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Les quatre textes rédigés par la Commission interorthodoxe prépara­toire ( Chambésy , 15 - 23 février 1986).

La Commission interorthodoxe préparatoire s'est réunie au Centre orthodoxe du Patriarcat oecuménique à Chambésy du 15 au 23 février 1986 (cf. Episkepsis No 351). Elle a tenté de dégager le point de vue orthodoxe unifié sur les quatre thèmes inscrits à l'ordre du jour de la même Conférence panorthodoxe préconciliaire. La Commission a rédigé quatre textes théologiques concis qui seront soumis par le Secrétariat pour la préparation du saint et grand Concile à la IIIème Conférence panorthodoxe préconciliaire dont la convocation est fixée au début novembre de cette année.

Nous publions ci-dessous lesdits textes que le Secrétariat pour la préparation du saint et grand Concile fait paraître par ailleurs dans une brochure en grec, russe et français:

 

(A) READAPTATION DES PRESCRIPTIONS ECCLESIASTIQUES CONCERNANT LE JEUNE

L'importance du jeûne et son observance aujourd'hui

1. Le jeûne est un commandement divin (Gn 2,16-17) et en tant que tel ne peut être aboli. Selon saint Basile, le jeûne "a le même âge que l'humanité; car il a été instauré dans le paradis" (de je. or. 1,3). Il constitue un grand combat spirituel et la meilleure expression de l'idéal ascétique de l'Orthodoxie. L'Eglise orthodoxe, se conformant fidèlement aux dispositions apostoliques, aux canons conciliaires et à l'ensemble de la tradition patristique, a toujours proclamé la grande valeur du jeûne pour la vie spirituelle de l'homme et son salut. Tout au long de l'année liturgique, l'Eglise exalte la tradition et l'enseignement patristiques concernant le jeûne, nécessaire pour rendre l'homme vigilant, sans cesse et sans faille, et pour susciter chez lui le goût du combat spirituel. Le jeûne est donc célébré par l'Eglise comme don divin, grâce pleine de lumière, arme invincible, fondement des combats spirituels, meilleure voie vers le bien, nourriture de l'âme, aide accordée par Dieu, source de toute méditation, imitation d'une vie impérissable et semblable à celle des anges, "mère" de tous les biens et de toutes les vertus, image de la vie à venir.

2. Le jeûne se trouve déjà dans l'Ancien Testament (Dt 9,18; Jl 2,15; Jon 3,5-7). Avant d'entamer son action dans le monde, le Seigneur lui-même a jeûné pendant quarante jours (Mt 4,2) et a donné des instructions concernant l'exercice du jeûne (Mt 6,16-18). Dans le Nouveau Testament, de manière plus générale, le jeûne est décrit comme un moyen d'abstinence, de repentir et d'élévation spirituelle, pratiqué non seulement par le Seigneur lui-même, mais aussi par saint jean le Précurseur et par les Apôtres (Me 1,6; Ac 13,2. 14,23). Déjà du temps des apôtres, l'Eglise a proclamé l'importance du jeûne et a défini le mercredi et le vendredi comme jours de jeûne (Did., 8,1), ainsi que le jeûne avant Pâques (Iren. in Eus., h.e. 5,24). La grande diversité concernant l'étendue et le contenu de ces jeûnes (Dion. Al., ep. can . ad Bas., PG 10,1278) démontre le caractère spirituel du jeûne, auquel tous les fidèles sont appelés à se conformer, chacun selon sa propre force et ses propres possibilités, sans pour autant avoir la liberté d'ignorer ce commandement divin: "Prends garde que personne ne te détourne de cette voie de l'enseignement... Si tu peux supporter tout le joug du Seigneur, tu seras parfait; si tu ne le peux pas, fais ce dont tu es capable. En ce qui concerne le jeûne, supporte-le selon ta force" (Did., 6,1-3).

3. En tant que lutte spirituelle élevée, le véritable jeûne découle de l'idéal ascétique de l'Orthodoxie et est indissolublement lié à la prière incessante et au repentir sincère. "Le repentir sans jeûne est sans valeur" (Bas., de jej. 1,3), tout comme le jeûne sans bienfaisance est nul; notamment à notre époque où la distribution inégale et injuste des biens va même jusqu'à priver des peuples entiers de leur pain quotidien. "Frères, en jeûnant corporellement, jeûnons aussi en esprit, délions toute chaîne d'iniquité, brisons les liens de nos violentes passions, déchirons tout injuste contrat, donnons aux pauvres du pain et recevons les sans-logis" (Stichère du mercredi de la 1ère Semaine du Grand Carême). Jeûner ne signifie pas s'abstenir purement et simplement de certains aliments donnés. "L'abstinence de certains aliments ne suffit pas à elle seule à en faire un jeûne louable: appliquons un jeûne que Dieu acceptera, qui Lui sera agréable. Le vrai jeûne consiste à aliéner le mal, à retenir sa langue, à s'abstenir d'être en colère, à éloigner les désirs, la calomnie, le mensonge, le parjure. La privation de tout ceci est le véritable jeûne. C'est grâce à tout ceci que le jeûne est une bonne chose" (Bas., de jej., 2,7). L'abstinence de certains aliments et la frugalité - quant à la qualité et quant à la quantité - constituent les éléments visibles du combat spirituel qu'est le jeûne. "Le jeûne - ainsi que le terme l'indique - signifie abstinence de nourriture; mais la nourriture ne nous a jamais rendus ni plus justes ni plus injustes. Car le jeûne a une signification profonde: comme la nourriture est le symbole de la vie et l'absence de nourriture celui de la mort, ainsi nous humains devons jeûner, afin de mourir au monde, et après cela, ayant reçu la nourriture divine, vivre en Dieu" (Clem., Eclogae, PG 9,704-705). Ainsi, le véritable jeûne se réfère à l'ensemble de la vie des fidèles en Christ et trouve son apogée dans leur participation à la vie liturgique et notamment dans le sacrement de la sainte Eucharistie.

4. Le jeûne de quarante jours du Seigneur est devenu l'exemple de celui que doivent pratiquer les fidèles. Il rend active leur participation à l'obéissance du Seigneur, afin qu'à travers le jeûne "nous puissions bénéficier par l'obéissance de ce que nous avions délaissé par la désobéissance" (Gr. Naz., or. 45, in sanctum Pascha 28). St Grégoire Palamas résume de manière significative toute la tradition patristique accordant au caractère spirituel du jeûne - surtout à celui du Grand Carême - un sens christocentrique. "Donc, si tu jeûnes, non seulement tu subiras la Passion et tu mourras avec le Christ, mais tu ressusciteras et tu régneras avec Lui Pour l'éternité; car si, par ce jeûne, tu es devenu un seul être avec lui, par une mort semblable à la sienne, tu participeras à la résurrection et tu seras l'héritier de la vie en lui" (hom. 13, in quinta jej. Dom., PG 151,161).

5. Selon la tradition orthodoxe, l'idéal de perfection spirituelle est placé très haut, et celui qui désire l'atteindre doit s'élever en conséquence. C'est la raison pour laquelle l'ascèse et la lutte spirituelle n'ont pas de bornes, tout comme la perfection des parfaits. Peu nombreux sont ceux qui satisfont aux exigences de ce grand idéal orthodoxe de façon à atteindre la théosis de leur vivant. Et même eux, bien que pratiquant toutes les prescriptions, ne s'en vantent jamais, mais confessent: "Nous sommes des pauvres serviteurs et nous n'avons fait que notre devoir". Tous les autres ne doivent pas abandonner - selon la conception orthodoxe concernant la vie spirituelle - le bon combat du jeûne, mais s'en remettre à la miséricorde de Dieu pour leurs manquements, pleinement conscients de la médiocrité de leur situation et disposés à l'autocritique. Car il est impossible d'accéder à la vie spirituelle orthodoxe sans le combat spirituel du jeûne.

6. L'Eglise orthodoxe, comme une mère affectueuse, a défini ce qui convient au salut et placé en tête les périodes sacrées du jeûne, comme un "signe de protection" donné par Dieu pour la sauvegarde de la nouvelle vie en Christ contre les pièges de l'ennemi; sur les traces des saints Pères, elle garde inchangés, comme avant, les prescriptions apostoliques, les canons conciliaires et les traditions sacrées; elle propose toujours les jeûnes sacrés comme la meilleure voie dans l'exercice des fidèles en vue de leur perfection spirituelle et de leur salut; elle proclame la nécessité pour les fidèles de respecter au cours de l'année tous les jeûnes prescrits: ceux du Grand Carême, du mercredi et du vendredi, de Noël, des saints Apôtres, de la Dormition de la Vierge , les jeûnes journaliers de l'Exaltation de la sainte Croix, de la veille de l'Epiphanie et de la Décollation de saint Jean le Précurseur, ainsi que les jeûnes proposés dans un souci pastoral ou librement consentis par les fidèles.

7. L'Eglise, ayant défini ce qu'il convient de faire pour le salut pendant les périodes sacrées du jeûne, a posé par clémence pastorale les limites de l'économie dont faire usage par amour de l'homme. En conséquence, elle a prévu l'application du principe ecclésiastique d'économie en cas de maladie corporelle, d'une nécessité impérieuse ou de la difficulté des temps, selon le discernement et le souci pastoral du corps des évêques des Eglises locales.

8. Il est un fait qu'aujourd'hui nombre de fidèles, soit par négligence, soit à cause des conditions de vie, quelles qu'elles soient, ne respectent pas toutes les prescriptions concernant le jeûne. L'Eglise, qui "ne désire pas la mort du pécheur, mais sa réintégration et sa vie", doit affronter tous ces cas de non observance des prescriptions sacrées concernant le jeûne, qu'ils soient généraux ou individuels, avec un souci maternel et affectueux. Elle laisse donc le soin aux Eglises orthodoxes locales de définir, selon leur discernement, la mesure d'économie miséricordieuse et d'indulgence à appliquer afin d'alléger le "poids" des jeûnes sacrés pour ceux qui ont des difficultés à respecter tout ce que ceux-ci prescrivent, soit pour des raisons personnelles (maladie, service militaire, condi­tions de travail, vie dans la Diaspora etc.), soit pour des raisons générales (conditions climatiques particulières de certains pays, difficultés de trouver certains aliments maigres, structures sociales). Ceci toujours dans l'esprit et dans le cadre de ce qui précède et dans le but d'éviter d'atténuer l'institution sacrée du jeûne. Cette clémence miséricordieuse peut être appliquée par l'Eglise avec une grande circonspection et surtout avec plus d'indulgence pour les jeûnes sur lesquels la tradition et la pratique de l'Eglise ne sont pas toujours uniformes. "...Jeûner tous les jours est un bien, mais celui qui jeûne ne doit pas blâmer celui qui ne jeûne pas. Dans ces cas il ne faut pas légiférer, ni contraindre; il ne convient pas non plus de conduire par la force le troupeau confié par Dieu; il faut plutôt faire usage de la persuasion, de la douceur et de la bonne parole..." (Jo. D., jej. 7).9. En outre, le plérôme, clercs et laïcs, doit être accoutumé à respecter le jeûne dans certaines circonstances particulières de sa vie, comme par exemple, en signe de repentir, pour la réalisation d'un voeu, pour le succès d'un but élevé, en temps de tentation, pour accompagner une supplique à Dieu, en cas de calamité, avant le baptême (celui des adultes), en cas de pénitence, avant l'ordination, avant la communion et dans des cas analogues.

 

(B) RELATIONS DES EGLISES ORTHODOXES AVEC L'ENSEMBLE DU MONDE CHRETIEN

L'Eglise orthodoxe a toujours été en faveur du dialogue. Au cours de ces dernières années, elle a entamé un dialogue théologique avec un grand nombre à'Eglises et de Confessions chrétiennes, dans la conviction qu'à travers ce dialogue elle donne un témoignage dynamique de ses trésors spirituels à tous ceux qui se trouvent en dehors de ses limites, et dans le but de préparer la voie ; conduisant vers l'unité.

II est évident que notre Eglise, tout en dialoguant avec les autres chrétiens, ne sous-estime pas les difficultés liées à un tel projet. Cela, cependant, ne la décourage pas, car elle ne s'appuie pas uniquement sur les forces humaines de ceux qui mènent les dialogues, mais également sur la protection et la grâce du Seigneur qui a prié "pour que tous soient un" (Jn 17,21).

Pour toutes ces raisons, l'Eglise orthodoxe reste fidèle à la ligne directrice qu'elle s'était tracée au début, à savoir sa décision de poursuivre le dialogue avec toutes les Eglises et Confessions, cela malgré le fait qu'au cours de ces dialogues se présentent de multiples difficultés auxquelles on doit chaque fois braire face en conséquence.

II est donc impératif de faire un effort pour coordonner l'oeuvre des différentes commissions théologiques interorthodoxes; cela d'autant plus que l'unité ontologique indissoluble de l'Eglise orthodoxe doit se manifester également dans le cadre de ces dialogues.

1. Le dialogue avec les Anglicans.

La Commission interorthodoxe préparatoire exprime sa satisfaction face à l'oeuvre accomplie à ce jour par la Commission théologique mixte chargée du dialogue entre les Eglises orthodoxe et anglicane.

Celle-ci a rédigé des textes communs sur la triadologie, l'ecclésiologie, ainsi que sur la vie, le culte et la tradition de l'Eglise.

En même temps, notre Commission interorthodoxe désire attirer l'attention sur le fait que les Anglicans, bien qu'ayant reconnu en 1976 à Moscou que l'adjonction du "filioque" au Credo était déplacée, se sont abstenus jusqu'à présent de le supprimer. De même, malgré la Déclaration des Orthodoxes en 1976 contre l'ordina­tion des femmes, un certain nombre d'Eglises de la Communion anglicane ont procédé à de telles ordinations.

Une difficulté majeure pour la poursuite sans entraves de ce dialogue découle également des thèses ecclésiologiques flexibles et incertaines des Anglicans qui, comme telles, pourraient relativiser le contenu des textes théologiques signés en commun. Une difficulté semblable provient de diverses déclarations excessives certains prélats anglicans sur des questions de foi.

En ce qui concerne plus particulièrement la thématique du dialogue, notre Commission conseille de ne pas accorder désormais une trop grande importance à la présentation et description des positions respectives - ce qui met en évidence plutôt un désaccord - mais de souligner le consensus qui pourrait exister sur des questions dogmatiques.

Elle conseille également que les thèmes examinés dans le passé et sur lesquels un accord a été réalisé ne soient pas remis en discussion.

2 . Le dialogue avec les vieux-catholiques .

La Commission interorthodoxe préparatoire exprime son entière satisfaction face aux progrès du dialogue théologique entre les Eglises orthodoxe et vieille-catholique, un dialogue dont la tâche sera bientôt achevée.

Vingt et un textes en tout ont déjà été rédigés, portant sur un nombre correspondant de thèmes théologiques, christologiques, ecclésiologiques, sotériologiques et mariologiques; au cours de la prochaine réunion - dernière selon les prévisions - de la Commission théologique mixte, seront examinés des thèmes relatifs aux sacrements et à l'eschatologie, ainsi qu'aux présupposés et aux conséquences de la pleine communion ecclésiale.

Notre Commission pense qu'il ne faudrait pas passer sous silence deux aspects essentiels, nécessaires à une meilleure évaluation et à la mise en valeur des résultats de ce dialogue: (a) l'ancienne pratique de l'Eglise vieille-catholique consistant à entretenir l'intercommunion avec l'Eglise anglicane, ainsi que les tendances récentes vers une telle pratique avec l'Eglise évangélique d'Allemagne. En effet ces tendances, bien que restreintes et locales, amoindrissent l'importance des textes ecclésiologiques signés en commun; (b) les difficultés d'intégrer et d'appliquer pleinement dans la vie de l'Eglise vieille-catholique la théologie des textes théologiques signés en commun.

Après la fin des travaux de la Commission théologique mixte, ces questions doivent faire l'objet d'un examen de la part des autorités ecclésiastiques compétentes quant à leurs répercussions ecclésiologiques et ecclésiastiques. Ceci dans le but de poser, aussitôt que possible, les présupposés ecclésiaux au rétablissement de la pleine communion avec les Vieux-catholiques.

En effet, l'éventuelle réussite de ce dialogue théologique aura des répercussions favorables sur les autres dialogues en cours et renforcera leur crédibilité.

3. Le dialogue avec les anciennes Eglises orientales

La Commission interorthodoxe préparatoire salue l'inauguration de ce dialogue il y a quelques mois, et exprime son agrément pour le choix du thème de la christologie comme premier thème à examiner.

Notre Commission est d'avis que les perspectives de ce dialogue sont excellentes, et espère que des solutions seront trouvées aux problèmes concernant l'acceptation de l' «horos» du IVe Concile oecuménique en étroit rapport avec les décisions christologiques des autres Conciles oecuméniques, l'acceptation des IVe, Ve, Vie et Vile Conciles oecuméniques, la levée des anathèmes prononcés de part et d'autre, etc. La Commission est également convaincue que le dialogue en question serait renforcé si on étudiait et cherchait à résoudre en parallèle les problèmes pastoraux communs, les deux familles d'Eglises vivant dans un même milieu et ayant des présupposés ecclésiologiques communs; deux éléments qui peuvent contribuer à la solution de ces problèmes.

4 . Le dialogue avec les Catholiques-romains

La Commission interorthodoxe préparatoire reconnaît que la marche de ce dialogue à ce jour a été positive. Il a abouti d'une part à la rédaction d'un texte commun sur le thème "Le mystère de l'Eglise et de l'Eucharistie à la lumière du mystère de la Sainte Trinité" et d'autre part à l'étude en commun du thème "Foi, Sacrements et Unité de l'Eglise". La Commission salue avec satisfaction les étapes constructives qui ont été franchies et proclame la volonté et la décision de l'Eglise orthodoxe de poursuivre cet important dialogue.

Toutefois, notre Commission signale l'existence de certains problèmes concernant la thématique, la méthodologie et autres, qui entravent la marche rapide et efficace du dialogue. Afin de dépasser ces problèmes dans la mesure du possible et d'améliorer, de manière générale, les conditions de poursuite de ce dialogue, notre Commission désire avancer certaines propositions. Il va de soi que ce qui sera proposé devra être accepté par l'autre partie, conformément à la procédure de ce dialogue établie et acceptée en commun.

En ce qui concerne la thématique, la Commission propose de choisir dorénavant les thèmes du dialogue non pas seulement parmi ceux qui "unissent" les deux Eglises, mais aussi parmi ceux qui les "divisent" notamment ceux qui ressortissent au domaine de l'ecclésiologie.

Quant à la méthodologie, la Commission propose: (a) la rédaction des projets de textes séparés - un orthodoxe et un catholique-romain - qui serviront de base au travail des sous-commissions pour la rédaction de la première version des textes communs; (b) l'exercice d'une critique orthodoxe sur les textes communs rédigés par le Comité de coordination déjà dans le cadre de la Commission interorthodoxe; (c) l'existence de deux textes originaux, au lieu d'un seul, l'un en grec et l'autre en français, et l'utilisation plus large dans ces textes d'un langage et d'une terminologie bibliques et patristiques; (d) l'acceptation des textes communs lors de chaque réunion de la Commission mixte non pas individuellement, mais par les Eglises, en tant que deux parties engagées dans le dialogue à titre égal.

Plus particulièrement, afin de faire avancer ce dialogue sans entraves, il est indispensable de discuter très vite des retombées défavorables au dialogue de certains problèmes épineux, tels l'uniatisme et le prosélytisme.

L'existence et la continuation de l'uniatisme, aussi bien sous ses formes historiques que sous ses manifestations actuelles, ainsi que le prosélytisme exercé sous diverses formes - éléments négatifs dans la vie de nos Eglises - sont des réalités inacceptables pour l'Orthodoxie, et deviennent des facteurs entravant notre dialogue bilatéral.

Dans cette perspective, nous proposons que la réalité de l'uniatisme, ainsi le prosélytisme exercé à travers lui ou par d'autres moyens, soient examinés s une des prochaines étapes du dialogue en tant que priorité ecclésiologique.

Devant les retombées pastorales et autres de l'uniatisme et du prosélytisme négatives aussi bien pour l'Orthodoxie que pour son dialogue avec l'Eglise catholique-romaine - nous proposons de rechercher dès que possible des moyens appropriés pour résoudre les aspects pratiques du problème de l'uniatisme et du problème parallèle du prosélytisme.

5. Le dialogue avec les Luthériens

La Commission interorthodoxe préparatoire constate avec satisfaction que ce dialogue a commencé sous de bons augures; que ceux qui le mènent ont choisi d'examiner en priorité l'ecclésiologie, thème fondamentalement lié aux problèmes les plus importants et aux divergences des deux Eglises qui en découlent.

Notre Commission espère qu'au cours des discussions bilatérales et au cours de l'élaboration de textes communs, une importance égale sera accordée à l'élément académique et à l'élément ecclésial; que les positions théologiques opposées des deux parties et les présupposés ecclésiologiques divergents ne seront pas un obstacle à la véritable expression de la Révélation divine, contenue tel un trésor dans les Ecritures et la sainte Tradition; qu'ils ne seront pas non plus un obstacle pour souligner la nécessité de la vie spirituelle et sacramentelle des fidèles dont la plénitude est garantie par les prêtres célébrant la sainte Eucharistie autour de l'évêque.

6. Le dialogue avec les Réformés

La Commission interorthodoxe préparatoire souhaite que le dialogue théologi­que en préparation entre l'Eglise orthodoxe et les Réformés commence et évolue dans un esprit positif et créatif. Elle exprime également l'espoir que ce dialogue profitera de l'expérience acquise au cours des autres dialogues théologiques et tirera parti de leurs expériences positives tout en évitant de répéter leurs expériences négatives.

Concernant ces deux derniers dialogues - avec les Luthériens et avec les Réformés- la Commission interorthodoxe préparatoire signale deux problèmes communs à ces dialogues, à savoir: celui du prosélytisme en général et celui de l'intercommunion avec d'autres Confessions. En effet, aussi bien le prosélytisme- exercé aux dépens de l'Orthodoxie - que l'intercommunion, sous ses diverses formes, entravent sérieusement la marche des dialogues que ces deux Confessions mènent avec l'Orthodoxie.

 

(C) ORTHODOXIE ET MOUVEMENT OECUMENIQUE

1. L'Eglise orthodoxe, dans sa conviction intime et dans sa conscience ecclésiale d'être détentrice et témoin de la foi et de la tradition de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique, croit fermement qu'elle occupe une place centrale et unique dans le monde chrétien d'aujourd'hui pour ce qui touche au progrès de l'unité de l'Eglise.

2. L' Eglise orthodoxe, qui prie incessamment "pour la stabilité des saintes Eglises de Dieu et l'union de tous" a pris part au Mouvement oecuménique dès sa première apparition et a contribué à sa formation et à son développement ultérieur. Cela est dû à l'esprit oecuménique profond de l'Eglise orthodoxe qui, au cours de l'histoire, a toujours combattu pour le rétablissement de l'unité chrétienne, qui eut principalement à souffrir aux Ve , Xle et XVIe siècles. Ainsi donc la participation de l'Eglise orthodoxe au Mouvement oecuménique ne va pas à l'encontre de son histoire. Elle constitue un nouvel effort vers l'expression de la foi apostolique, ceci dans des conditions historiques nouvelles et face à des nouvelles exigences existentielles.

3. C'est dans cet esprit que toutes les saintes Eglises orthodoxes locales participent activement aujourd'hui dans différents organes - nationaux, régionaux ou internationaux - du Mouvement oecuménique, et prennent part aux différents dialogues, bilatéraux ou multilatéraux, ceci malgré les difficultés et les crises qui peuvent surgir occasionnellement dans le cheminement normal de ce même Mouvement. Cette activité oecuménique pluridimensionnelle a sa source dans le sentiment d'une responsabilité et dans la conviction que la coexistence, la compréhension réciproque, la collaboration et les efforts communs vers une unité chrétienne sont essentiels, "pour ne pas créer d'obstacle à l'Evangile du Christ" (1 Co 9,12).

4. Un des organes privilégiés du Mouvement oecuménique contemporain est le Conseil oecuménique des Eglises. Malgré le fait qu'il ne regroupe pas en son sein toutes les Eglises chrétiennes, et que d'autres organismes oecuméniques remplissent aussi un rôle fondamental dans le progrès du Mouvement oecuménique pris de manière glus large, le C.O.E. représente à l'heure actuelle une fraternité oecuménique Structurée. Plusieurs Eglises orthodoxes ont été membres fondateurs de ce Conseil; et dans la suite de son histoire, toutes les Eglises orthodoxes locales en sont devenues membres. La IVe Conférence panorthodoxe (1968) n'a fait que souligner la conscience globale de l'Orthodoxie quand elle a déclaré que celle-ci: "constitue un membre organique du C.O.E. , et est fortement décidée à mettre tout en oeuvre, par des voies théologiques ou autres, pour contribuer au progrès et à la bonne marche de l'ensemble des travaux du Conseil oecuménique des Eglises".

5. Cependant l'Eglise orthodoxe, fidèle à son ecclésiologie, à l'identité de sa Structure interne et à l'enseignement de l'Eglise indivise, tout en participant au C.O.E. , refuse absolument l'idée de l'"égalité des confessions" et ne peut concevoir l'unité de l'Eglise comme rajustement interconfessionnel. Dans cet esprit, l'unité recherchée dans le C.O.E. ne peut être le pur produit d'accords théologiques. Dieu appelle l'homme à l'unité, dans le Mystère et la Tradition de la Foi , telle qu'elle est vécue au sein de l'Eglise orthodoxe.

6. Les Eglises orthodoxes membres du C.O.E. reconnaissent l'article-base de sa Constitution, son but et ses attributions. Elles sont intimement convaincues que les présupposées ecclésiologiques contenus dans la Déclaration de Toronto (1950), intitulée "L'Eglise, les Eglises et le Conseil oecuménique des Eglises", sont d'une importance primordiale pour la participation orthodoxe audit Conseil. Il va de soi, dès lors, que le C.O.E. n'a rien d'une "super-Eglise" et ne doit en aucun cas le devenir. "Le but poursuivi par le Conseil oecuménique des Eglises n'est pas de négocier l'union des Eglises, ce qui ne peut être le fait que des Eglises elles-mêmes, sur leur propre initiative; il s'agit plutôt de créer un contact vivant entre les Eglises et de stimuler l'étude et la discussion des problèmes touchant à l'unité chrétienne" (Déclaration de Toronto, §2).

7- Les études théologiques et les autres activités inscrites aux programmes du C.O.E. sont des moyens de rapprochement des Eglises. Mention soit faite, en Particulier, de la Commission "Foi et Constitution", qui poursuit l'oeuvre du mouvement universel pour la «Foi et Constitution». Il est reconnu que le texte

« Baptême, Eucharistie, Ministère», élaboré par ladite Commission avec la participation de théologiens orthodoxes, constitue un texte oecuménique capital de convergences théologiques fondamentales, un document qui reflète une expérience, inaugurant une nouvelle étape dans l'histoire du Mouvement oecuménique.

8. Le C.O.E., cependant, en tant qu'instrument au service des Eglises-membres, ne s'occupe pas seulement des dialogues théologiques. Le large éventail de ses activités, que ce soit dans les domaines de l'"évangélisation, de la diaconie, de la santé, de la formation théologique, du dialogue interreligieux, de la lutte contre le racisme, du progrès des idéaux de paix et de justice, recouvre des besoins propres aux Eglises et au monde actuel, et donne l'occasion d'un témoignage et d'une action communs. L'Eglise orthodoxe a toujours apprécié cette activité pluridimensionnelle du C.O.E., et a toujours collaboré activement, du mieux qu'elle le pouvait, dans les domaines dont il a été question.

9. La Vie Assemblée générale du C.O.E. à Vancouver a vu s'ouvrir des perspectives nouvelles pour une participation plus importante des Orthodoxes au sein du C.O.E. L'équilibre que l'Assemblée de Vancouver a tenté d'instaurer entre les dimensions horizontale et verticale du travail du Conseil; les études sur les questions "vers l'expression commune de la foi apostolique aujourd'hui", "l'unité de l'Eglise et le renouveau de la communauté humaine" et "la justice, la paix et l'intégrité de la création"; la Conférence mondiale sur le thème "Que ta volonté soit faite: mission sur la voie du Christ"; tout ceci a ouvert des voies nouvelles à la pénétration de la pensée théologique orthodoxe dans la vie et les activités du C.O.E.

10. Il est un fait cependant que le témoignage fondamental de l'Orthodoxie et son apport théologique spécifique pourraient être mis en péril, si le C.O.E. n'offre pas aux Eglises orthodoxes les conditions nécessaires pour leur permettre d'agir selon leur propre ecclésiologie et leur propre mode de pensée.

A cet égard, que s'exprime ici notre inquiétude de voir acceptées sans cesse, et sans discernement, une multitude d'églises et de communautés chrétiennes comme membres du C.O.E. A long terme, cette évolution ne pourra qu'amoindrir la présence orthodoxe dans les différents corps administratifs et consultatifs du C.O.E., et ceci au détriment d'un dialogue oecuménique sain, mené dans le Conseil. Il faut donc élaborer de nouvelles dispositions constitutionnelles et d'autres, pour permettre à l'Orthodoxie de donner son témoignage et la contribution théologique que le C.O.E. attend d'elle, selon l'accord déjà intervenu entre le C.O.E. et les Eglises orthodoxes membres (Desiderata de Sofia).

11. D'autre part, l'Eglise orthodoxe dans son ensemble doit trouver des voies pour se tracer une politique oecuménique commune et un point de vue unanime, notamment dans le cadre de "Foi et Constitution", quand la discussion porte sur des questions de foi. Dans de tels débats, l'Eglise orthodoxe doit apparaître comme le Corps unique du Christ, en confessant et en témoignant de la foi de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique.

12. L'Eglise orthodoxe est consciente du fait que le Mouvement oecuménique prend des formes nouvelles, ceci pour répondre à des situations nouvelles et faire face aux exigences renouvelées du monde actuel. Nous prions pour que soit proche le jour où le Seigneur comblera l'espoir des Eglises: "un seul troupeau, un seul berger" (Jn 10,14). Qu'ainsi unis dans la foi nous devenions des serviteurs plus crédibles dans la Vigne du Seigneur.

 

(D) CONTRIBUTION DES EGLISES ORTHODOXES LOCALES A LA REALISATION DES IDEAUX CHRETIENS DE PAIX, DE LIBERTE, DE FRATERNITE ET D'AMOUR ENTRE LES PEUPLES ET A LA SUPPRESSION DES DISCRIMINATIONS RACIALES

L'Eglise orthodoxe, ayant conscience des problèmes brûlants qui préoccupent aujourd'hui l'humanité tout entière, a exprimé au cours de la Ière Conférence panorthodoxe préconciliaire, qui eut lieu à Chambésy en 1976, son désir de «collaborer avec les fidèles des autres religions afin d'enrayer tout fanatisme et d'assurer la réalisation des idéaux de liberté, de réconciliation des peuples et de du monde au service de l'homme actuel, sans distinction de race ou de religion". Elle a, de plus, inscrit à l'ordre du jour du saint et grand Concile le thème: "Contribution des Eglises orthodoxes locales à la réalisation des idéaux chrétiens de paix, de liberté, de fraternité et d'amour entre les peuples et à la suppression des discriminations raciales". Il va de soi que cette préoccupation n'est pas seulement celle de l'Eglise orthodoxe. La question de la paix concerne tous les chrétiens et, sous diverses formes et variantes, rejoint les préoccupations de l'humanité tout entière concernant son destin et son avenir.

Quelle sera alors la base commune sur laquelle les Orthodoxes vivant dans divers contextes réaliseront les idéaux chrétiens de paix, de liberté, de paternité et d'amour entre les peuples? Quelle est, plus particulièrement, la position de l'Eglise orthodoxe touchant ces idéaux, et quelles propositions pourra-t-elle faire afin de contribuer de son mieux à leur réalisation? Sur ce point, la Commission interorthodoxe préparatoire est arrivée aux conclusions suivantes, qu'elle soumet à la IIIème Conférence panorthodoxe préconciliaire, étant consciente que dans ce texte elle exprime non seulement la fierté de l'Eglise orthodoxe pour ce qui est déjà accompli avec l'aide du Seigneur, mais aussi le profond sentiment de regret de celle-ci pour les manquements humains.

1. La valeur de la personne humaine, fondement de la paix

Il faut souligner, tout d'abord, que la notion biblique de paix ne coïncide avec une conception neutre et négative qui l'identifierait tout simplement à une absence de guerre. La notion de la paix s'identifie à la restauration des choses dans leur intégralité originelle d'avant la chute, lorsque l'homme vivait et respirait encore sous le souffle vivifiant de sa création à l'image et à la Ressemblance de Dieu. En d'autres termes, ceci signifie le rétablissement des Relations et de la paix entre Dieu et les hommes.

Au cours de son histoire, l'Orthodoxie a défendu, en effet, avec conséquence, continuité et zèle, la dignité de la personne humaine, dont le fond ontologique a acquis, dans le cadre de l'anthropologie chrétienne, le statut d'une valeur absolue et universelle. L'homme, en tant que couronnement et aboutissement de la création divine et en tant que création à l'image et à la ressemblance de son Créateur, a été pour l'Eglise orthodoxe la quintessence de sa mission dans le monde et dans l'histoire du salut. Rétablir l'homme dans la dignité et la beauté originelles de l'"image" et de la "ressemblance" à son Créateur est considéré par l'Eglise orthodoxe comme l'essence même de sa mission. Même les disputes intestines, purement théologiques, qui ont abouti à la formulation de l'enseignement trinitaire, christologique et ecclésiologique du christianisme, n'avaient en dernière analyse d'autre but que celui de préserver l'authenticité et la plénitude de l'enseignement chrétien sur l'homme et son salut.

Tous les Pères de l'Eglise orthodoxe qui se sont penchés sur le mystère de l'économie divine ont pris comme source d'inspiration cette sainteté et divinité de la personne humaine. Saint Grégoire le Théologien souligne dans ce contexte que le Créateur "a placé l'homme sur terre, tel un second monde, macrocosme dans le microcosme, tel un autre ange, un être double créé pour L'adorer, un surveillant de la création visible, un initié du monde intelligible, un être régnant sur les êtres de la terre... un être vivant dans ce monde et aspirant à un autre, l'achèvement du mystère, s'approchant de Dieu par la théosis" (Gr. Naz., or. 45,7. PG 36,632). La création trouve son fondement et son aboutissement dans l'incarnation du Logos de Dieu et la divinisation de l'homme. "Le Christ, en renouvelant l'homme ancien" (Hipp., haer., 10,34. PG 16,3454), "divinisait, ce faisant, l'homme entier, ce qui constituait le début de l'accomplissement de notre espérance" (Eus., d.e. 4,14. Pg 22,289). Car, de même que dans l'ancien Adam tout le genre humain était déjà contenu, de même, dans le nouvel Adam, tout le genre humain est résumé. Saint Grégoire le Théologien fait remarquer à ce propos que, selon l'enseignement chrétien, "chez nous il y a une seule humanité, le genre humain tout entier" (Gr. Naz., or. 31,15. PG 36,149). Cet enseignement du christianisme concernant la sainteté de la personne humaine et l'unité du genre humain a été jusqu'aux temps modernes la source unique et inépuisable non seulement de toute théorie anthropologique mais, en plus, de tout effort pour sauvegarder la valeur et la dignité de la personne humaine.

2. La valeur de la liberté humaine

Le don divin de la liberté, par lequel l'homme prend conscience de lui-même et devient capable de choisir entre le bien et le mal, est l'accomplissement de la personne humaine, comprise aussi bien en tant que porteuse individuellement de l'image d'un Dieu personnel qu'en tant que communion des personnes reflétant, par l'unité du genre humain, la vie en la Sainte Trinité, la communion des Trois Personnes. La liberté est donc pour l'homme un don divin qui le rend capable dé progresser indéfiniment vers la perfection spirituelle, mais qui, en même temps, implique le danger de la désobéissance, le risque de l'indépendance par rapport à Dieu et, par conséquent, de la chute (Gn 2,16-17). D'où le rôle terrifiant que jouent dans les questions de paix et de liberté le Mal dans l'homme et l'élément démoniaque dans le monde. Les conséquences de ce mal sont les imperfections et les manquements qui sont l'apanage de notre temps: la sécularisation, la violence, la corruption, les problèmes de la jeunesse actuelle, le racisme, les armements, les guerres. Autant de facteurs qui causent les maux de la société: l'oppression des masses, les inégalités sociales, la misère économique, l'injustice dans la répartition des biens de consommation et leur pénurie en général, les dommages causés à la nature et la destruction de l'environnement, la famine, la sous-alimentation dont souffrent des millions d'hommes, les déportations, le problème aigu des réfugiés, les migrations massives, les problèmes des sociétés en pleine mutation dans un monde inégalement industrialisé et de plus en plus dominé par la technologie, les espoirs mis en la futurologie - tout cela entretient l'angoisse infinie dans laquelle se débat l'humanité de nos jours. Une humanité cependant qui, bien que divisée, renferme la semence de l'unité ontologique de la race humaine - race liée à son Créateur par le premier Adam, et qui, en même temps, est maintenue en unité avec Dieu le Père par l'intervention du second Adam.

Face à cette situation, qui a conduit à l'affaiblissement du concept de personne humaine, le devoir de l'Eglise orthodoxe consiste aujourd'hui à faire valoir, à travers sa prédication, sa théologie, son culte et son activité pastorale, l'homme en tant que personne-sujet; elle évitera ainsi de poser le problème de l'homme dans les termes du rationalisme occidental. L'Eglise orthodoxe est appelée à faire face à ce devoir avec succès, étant donné que le noyau de son anthropologie est justement cette liberté, dont le Créateur a doté l'être humain; une liberté qui est sauvegardée dans la mesure où celui-ci choisit d'être libre, non pas indépendamment de son Créateur, mais par une libre soumission à Lui et au plan qu'il a conçu à son égard.

3. La paix, force susceptible d'écarter la guerre nucléaire

L'Orthodoxie condamne la guerre de manière générale, car elle la considère comme une conséquence du mal et du péché dans le monde; elle a toléré par condescendance les guerres défensives faites pour rétablir la justice bafouée.

C'est pour cette raison qu'elle ne doit avoir aucun scrupule à proclamer son opposition à toute espèce d'armements - conventionnels ou nucléaires - mais surtout nucléaires, d'où qu'ils viennent, car la guerre nucléaire a comme conséquence de détruire la création, de supprimer la vie de la face de la terre. Elle doit le faire d'autant plus aujourd'hui que nous connaissons mieux la force destructrice des armes nucléaires. En effet, les conséquences d'une éventuelle guerre de ce genre seraient terrifiantes, non seulement parce qu'elle causerait la mort d'un nombre incalculable d'être humains, mais en plus parce que la vie des survivants viendrait insupportable. Des maladies incurables apparaîtraient, des mutations rétiques seraient provoquées, néfastes aux générations futures, si, toutefois, la vie continuait à exister sur la terre. Selon les avis de scientifiques spécialistes en la matière, une autre conséquence désastreuse de la guerre nucléaire serait l'hiver dit nucléaire; les perturbations climatiques sur notre planète seraient telles qu'elles entraîneraient la disparition de la vie. Il en résulte que la guerre nucléaire est inacceptable à tous points de vue, notamment en ce qui concerne la nature et la morale. C'est un crime contre l'humanité et un péché mortel pour Dieu, car elle détruit sa création. Les Eglises orthodoxes, les autres chrétiens et l'humanité tout entière ont donc le devoir d'écarter ce danger.

4. La mission de l'Orthodoxie dans le monde contemporain

L'Orthodoxie peut et doit contribuer à rétablir la relation organique entre le dialogue international contemporain et les idéaux chrétiens par excellence de paix, de liberté, de fraternité, d'amour et de justice sociale entre les peuples. L'orthodoxie se doit de proclamer la foi et la tradition chrétiennes en ce qui concerne l'homme et le monde, mission qu'elle a accomplie tout au long de son cheminement historique lorsqu'elle a entrepris avec succès le renouvellement de l'identité spirituelle et culturelle de l'humanité. La foi chrétienne, selon laquelle le genre humain et toute la création viennent de Dieu - en relation permanente avec la sacralité, l'indépendance et la valeur intrinsèque de la personne humaine - se trouve, bien que latente, à la base du dialogue international contemporain en faveur des droits de l'homme, de la paix et de la justice sociale. L'idée de l'universalité de ces idéaux, qui constitue le fond du dialogue des Organisations internationales, serait inconcevable sans le support de l'enseigne­ment chrétien sur l'unité ontologique du genre humain.

La réduction de l'unité du genre humain au premier couple de la création divine est l'unique source de référence universelle et ontologique des idéaux chrétiens de liberté, égalité, fraternité et justice sociale dans tout homme; or l'enseignement chrétien de la "récapitulation de tout" (Ep 1,10) a rétabli la sacralité et l'excellence de la grandeur de la personne humaine, abolissant ainsi les causes profondes des divisions, de l'aliénation, des discriminations raciales et de la haine. L'intégration en Christ de tout le genre humain et du monde abouti à leur réunification organique en un seul corps, et c'est bien pour qu'il est écrit: "II n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu'un dans Christ Jésus" (Ga 3,28). En outre, nous croyons que cette unité n'a rien de statique ni de monolithique; elle a, au contraire, un grand dynamisme et une grande! diversité, car elle prend sa source dans la communion des personnes, à l'exemple l'unité des Trois Personnes de la Sainte Trinité.

Dans cet esprit, l'Eglise orthodoxe lutte pour la réalisation des idéaux chrétiens de paix, de liberté, d'égalité, de fraternité, de justice sociale et d'amour entre les hommes et les peuples. La révélation même en Christ est caractérisée comme "évangile de paix" (Ep 6,16), car le Christ "en faisant la paix par le sang de sa Croix" (Col 1,20), "est venu proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin, paix pour ceux qui étaient proches" (Ep 2,17). Il est devenu "notre paix" (Ep 2,14). Cette paix "qui dépasse toute intelligence", comme le Christ lui-même l'a dit à ses apôtres lors de la sainte Cène, est plus large et plus essentielle que celle promise par le monde: "Je vous laisse la paix, c'est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme le monde la donne" (Jn 14,27). Cela car la paix du Christ est le fruit mûr de la récapitulation de toutes choses: en Lui, permettant à la sacralité et à la grandeur de la personne humaine - image de Dieu - de se développer sans entraves ; manifestant l'unité organique du genre humain et du monde en Christ; révélant l'universalité des idéaux de paix, de liberté, d'égalité et de justice sociale comme cadres solides et sûrs de la fécondité de l'amour chrétien entre les hommes et les peuples. La véritable paix est le fruit du triomphe de tous ces idéaux chrétiens.

Ce qui précède montre clairement pourquoi l'Eglise, en tant que "corps du Christ" (I Co 12,27), a été définie comme "vision de la paix" du monde (Or., or. : 9,2; PG 13,349), c'est-à-dire comme paix réelle et universelle, telle que le Christ l'a annoncée. "C'est nous (l'Eglise), proclame Clément d'Alexandrie, qui consti­tuons la race pacifique" (paed. 2,2; PG 8,428), car nous sommes les "soldats pacifiques" du Christ (prot., 11; PG 8,236). La paix est synonyme de justice, affirme-t-il ailleurs, (str., 4,25; PG 8,1369-72). Et St Basile d'ajouter: "Je ne peux me convaincre que je suis digne d'être appelé serviteur de Jésus-Christ si je ne suis pas à même d'aimer les autres et de vivre en paix avec tout le monde - au moins en ce qui dépend de moi" (ep. 203,2; PG 32,737). Cela est tellement naturel pour le chrétien qu'on pourrait affirmer que "il n'y a rien d'aussi spécifiquement chrétien que d'oeuvrer en faveur de la paix" (ep. 114; PG 32,528). La paix du Christ est la force mystique qui dirige le genre humain vers sa réconciliation avec son Père céleste, "grâce à la providence de Jésus qui opère tout en tous, crée une paix indicible prédestinée depuis le début des siècles, nous réconcilie avec lui-même et, à travers lui-même, avec le Père" (Dion. Ar., d.n. 11,2,4; PG 3,953).

Nous devons souligner en même temps que le don spirituel de paix dépend aussi de la collaboration humaine. Le Saint-Esprit accorde les dons spirituels quand il y a une élévation du coeur humain vers Dieu, lorsque l'homme cherche dans le repentir la justice de Dieu. Le don divin de la paix se réalise là où les chrétiens oeuvrent: en faveur de la foi, de l'amour et de l'espérance en Jésus-Christ notre Seigneur (I Th 1,3).En parlant de la paix du Christ en tant que véritable paix, nous entendons la paix réalisée dans l'Eglise. Le péché est une maladie spirituelle dont les symptômes visibles sont les agitations, les discordes et les guerres avec leurs conséquences tragiques. L'Eglise essaie de guérir non seulement les symptômes visibles de cette maladie mais aussi le péché qui est leur cause.

En même temps, l'Eglise orthodoxe pense qu'il est de son devoir d'encourager tout ce qui est mis réellement au service de la paix (Rm 14,19) et qui ouvre la voie vers la fraternité et l'amour mutuel de tous les enfants du Père unique ainsi que de tous les peuples qui constituent l'unique famille humaine. L'Eglise bénit lès efforts qui visent à établir des relations humaines justes.

L'humanité fait des efforts pour que la haine, la méfiance, qui empoisonnent les relations internationales, cèdent le pas à l'amitié et à la compréhension mutuelles, pour que la course aux armements cède le pas au désarmement complet, pour que la guerre, en tant que moyen de résoudre les problèmes internationaux, soit une fois pour toutes écartée de la vie des hommes.

5. L'Orthodoxie et les discriminations raciales

Le Seigneur, Roi de paix (He 7,2-3), désapprouve la violence et l'injustice (Ps 10,5), condamne le comportement inhumain envers son prochain (Me 25,41-46. Je 2,15-16). Dans Son royaume, qui commence ici-bas et a un caractère spirituel, il n'y a aucune place ni pour les haines entre les nations, ni pour les discriminations raciales, ni pour l'esclavage (Col 3,11), ni pour l'inimitié et l'intolérance (Es 11,6. Rm 12,10).

Une mention spéciale devrait être faite, dans ce contexte, à la position "orthodoxe relative aux discriminations raciales. Cette position est tout à fait blaire: l'Eglise orthodoxe croit que Dieu " à partir d'un seul homme a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre" (Ac 17,26) et que, en Christ, il n'y a ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, il n'y a ni mâle ni femelle; car vous tous vous n'êtes qu'un" (Ga 3,28). Conformément à sa foi, l'Eglise orthodoxe refuse les discriminations raciales, même sous une forme modérée, puisqu'elles présupposent une considération inégale des races humaines et une échelle des droits. Elle déclare donc urgente la nécessité d'abolir totalement les discriminations raciales, ainsi que d'offrir des possibilités de développement intégral à tous les habitants de la terre. Cependant, elle soutient qu'au-delà de ces discriminations, fondées sur la couleur de la peau et localisées uniquement. Sans certaines régions de notre planète, il en existe d'autres dans le monde moderne qui sont tout aussi inacceptables: il s'agit des discriminations au détriment de différentes minorités.

6. L 'Orthodoxie, fraternité et solidarité entre les peuples

Cette dernière constatation peut nous amener tout naturellement à mieux saisir la contribution spécifique de l'Orthodoxie à la solidarité entre les peuples et au progrès de leur fraternité. Les Eglises orthodoxes ont la possibilité de contribuer, aussi bien par l'éducation de leurs fidèles et, plus généralement, du peuple tout entier qu'à travers l'ensemble de leurs activités spirituelles, à une amélioration du climat social ambiant. Il s'agit, dans ce cas, de possibilités spirituelles différentes de celles des organisations internationales ou des Etats. Ces possibilités découlent de la nature de l'Eglise, peuvent avoir des résultats substantiels et permanents dans le domaine de la paix et de la fraternité, et doivent donc être développées le plus possible. Un large horizon s'ouvre ici devant les Eglises orthodoxes; elles peuvent proposer au monde divisé l'élément essentiel de leur enseignement ecclésiologique et social: l'idéal de la communion liturgique et notamment eucharistique.

C'est sous cet angle que nous devons comprendre l'énorme responsabilité de l'Eglise dans le domaine de la lutte contre la faim et l'indigence extrême qui s'abattent de nos jours, de manière inacceptable, sur de grandes masses d'hommes et même sur des peuples entiers, notamment dans le Tiers-Monde. Un phénomène si terrifiant à notre époque - où les peuples développés vivent sous un régime d'opulence et de gaspillage tout en se livrant à une course aux armements stérile - révèle une crise d'identité profonde du monde chrétien. Cela pour deux raisons principales:

a) parce que la faim ne menace pas uniquement le don divin de la vie de peuples entiers du monde en voie de développement, mais anéantit la grandeur et la sacralité de la personne humaine;

b) parce que le monde chrétien, économiquement développé, par la distribution et la gestion souvent injuste et criminelle des biens matériels, insulte non seulement l'image de Dieu dans chaque personne humaine, mais aussi Dieu lui-même qui s'y est identifié.

Devant cette donnée terrifiante de notre époque qu est l'état de famine dans lequel vivent des peuples entiers, la passivité ou l'indifférence de chaque chrétien et de l'Eglise dans son ensemble équivaudrait à une trahison envers le Christ et à une absence de foi active; car si le souci de notre propre nourriture est très souvent un problème matériel, le souci de la nourriture de notre prochain est toujours une question d'ordre spirituel. Les Eglises orthodoxes ont, par conséquent, le devoir suprême d'organiser immédiatement et de manière efficace leur aide à leurs frères affamés du Tiers-Monde. Parmi les initiatives déjà entreprises dans ce domaine, il est réjouissant de constater que sous la forme d'un Congrès international contre la faim, l'initiative récente de S.B. le Primat de l'Eglise de Grèce a déjà bénéficié du soutien panorthodoxe et panchrétien qu'elle méritait. Elle ouvre, en effet, la voie à une collaboration des Eglises orthodoxes dans ce domaine, non seulement entre elles mais aussi en commun avec les autres Eglises et Confessions chrétiennes, avec le Conseil oecuménique des Eglises, ainsi qu'avec toutes les Organisations internationales qui se sont vouées au service de la lutte contre ce terrible fléau. Le désarmement non seulement neutraliserait le danger d'une destruction nucléaire, mais permettrait en plus de consacrer des sommes colossales ainsi économisées à venir en aide à ceux qui souffrent de famine et d'indigence.

Ne nous y trompons pas: la faim qui frappe aujourd'hui de plein fouet la communauté humaine et l'abîme d'inégalité qui s'y est creusé condamnent notre époque aussi bien à ses propres yeux qu'aux yeux du Dieu juste. Car Sa volonté aujourd'hui, qui n'est rien d'autre que le salut de l'homme concret, ici et maintenant, nous oblige à servir l'homme et à faire face de manière directe à ses problèmes les plus pressants. Séparée de la diaconie, la foi en Christ n'a pas de sens. Etre chrétien signifie imiter le Christ et être prêt à le servir dans la personne du faible, de l'affamé, de l'opprimé et, en général, de toute personne qui a besoin d'aide. Tout autre effort de voir le Christ en tant que présence réelle parmi nous, sans rapport avec celui qui a besoin d'aide, n'est que théorie vidée de son contenu.

7. La mission prophétique de l'Orthodoxie: un témoignage d'amour

Dans le cadre du monde actuel, au-delà et au-dessus de ce service social, la contribution de l'Eglise orthodoxe à la paix, la liberté, la justice et la fraternité entre les peuples, devra être un témoignage d'amour. Et ce témoignage doit être donné en tout temps, indépendamment des situations particulières dans lesquelles vit aujourd'hui chacune des Eglises orthodoxes. Bien sûr, il va de soi que ces cas requièrent une évaluation sage et réaliste des possibilités existantes, par "témoignage d'amour" nous entendons l'intervention des Eglises orthodoxes en tout temps et en toute situation qu'elles considèrent, selon les critères de l'Evangile et de la tradition chrétienne, comme inadmissibles. C'est ici que l'on voit émerger la nécessité de la mission prophétique de l'Orthodoxie, son devoir de témoigner "de l'espoir qui est en nous" dans chaque cas qui a trait au progrès de la paix, de la liberté, de la justice et de la fraternité, ainsi qu'au respect de la personne humaine en tant qu'image de Dieu. Il va de soi qu'en exerçant cette mission prophétique, les Eglises orthodoxes ont le devoir de préserver la paix spirituelle des peuples qu'elles sont chargées de conduire sur la voie de l'Evangile. Nous croyons fermement que pour ce faire c'est l'amour qui galvanisera volonté des Eglises orthodoxes afin qu'elles puissent, en collaboration avec leurs frères des autres Eglises et Confessions chrétiennes et avec tous les hommes, donner aujourd'hui leur témoignage - témoignage de foi et d'amour - dans un monde, peut-être plus que jamais, en a besoin.

Nous, chrétiens, du fait même que nous avons eu accès au sens du salut, avons devoir de lutter pour alléger la maladie, le malheur, l'angoisse; parce que nous eu accès à l'expérience de la paix, nous ne pouvons pas rester indifférents à son absence dans la société actuelle; parce que nous avons été les bénéficiaires de la justice de Dieu, nous luttons pour une justice mieux répandue le monde et pour la disparition de l'oppression; parce que nous faisons l'expérience chaque jour de la divine condescendance, nous luttons contre tout Fanatisme et toute intolérance entre les hommes et les peuples; parce que nous proclamons continuellement l'incarnation de Dieu et la divinisation de l'homme, nous défendons les droits de l'homme pour tous les hommes et tous les peuples; parce que nous avons reçu le don divin de la liberté grâce à l'oeuvre rédemptrice du Christ, nous pouvons annoncer de manière plus complète sa valeur universelle pour tout homme et tout peuple; parce que nous sommes nourris spirituellement par le Corps et le Sang du Seigneur, nous comprenons mieux la faim et la privation; parce que nous attendons une terre et des cieux nouveaux, où régnera la justice absolue, nous combattons ici et maintenant pour la renaissance et le renouveau de l'homme et de la société.

Notre témoignage ne pourra donc qu'être bénéfique au plus haut point à notre époque qui, du fait même qu'elle vit sans Dieu, a besoin de Dieu plus que tout autre. Il sera, soyons-en sûrs, la meilleure manière pour l'Eglise orthodoxe de contribuer à la paix et aux idéaux qui l'accompagnent et qui la mènent à sa Plénitude. Les Eglises orthodoxes lancent un appel au monde entier afin que tous collaborent à établir l'amour et la paix entre les hommes et les peuples.

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