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La vie sacramentelle et la Diaconie pastorale de l'Eglise

arch. Theologos Papalevyzakis

La relation indissoluble entre la vie sacramentelle et la diaconie pastorale de l'Eglise, ainsi que la responsabilité spirituelle de s fidèles en tant que membres du corps ecclésiastique a comme base commune et incontournable le mystère de l'incarnation du Fils et du Logos de Dieu à travers le saint Esprit et la vierge Marie. Car, comme le note Jean Chrysostome, ‘ le Christ incarné a pris la chair de l'Eglise ' (1) est devenu e la source du salut du genre humain. Cette expression de Jean Chrysostome définit de manière excellente la relation indissoluble entre le Christ et l'Eglise, qui émane évidemment de l'enseignement de l'apôtre Paul concernant tant la nature de l'Eglise que son œuvre salvatrice, car à travers l'incarnation et la vie terrestre du Christ, c'est la providence de Dieu pour le salut de la nature humaine qui a été révélé e au monde:

«En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce,   que Dieu a répandue abondamment sur nous par toute espèce de sagesse et d'intelligence,   nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon le bienveillant dessein qu'il avait formé en lui-même,   pour le mettre à exécution lorsque les temps seraient accomplis, de réunir toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre.   En lui nous sommes aussi devenus héritiers, ayant été prédestinés suivant la résolution de celui qui opère toutes choses d'après le conseil de sa volonté,   afin que nous servions à la louange de sa gloire, nous qui d'avance avons espéré en Christ.   En lui vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, l'Évangile de votre salut, en lui vous avez cru et vous avez été scellés du Saint Esprit qui avait été promis,   lequel est un gage de notre héritage, pour la rédemption de ceux que Dieu s'est acquis, à la louange de sa gloire.  

C'est pourquoi moi aussi, ayant entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre charité pour tous les saints,   je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mention de vous dans mes prières,   afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation, dans sa connaissance,   et qu'il illumine les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son appel, quelle est la richesse de la gloire de son héritage qu'il réserve aux saints,   et quelle est envers nous qui croyons l'infinie grandeur de sa puissance, se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force.   Il l'a déployée en Christ, en le ressuscitant des morts, et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes,   au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir.   Il a tout mis sous ses pieds, et il l'a donné pour chef suprême à l'Église,   qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous» ( Eph., 1, 7-23).

L'incorporation des fidèles depuis le fondement de l'Eglise dans le corps de l'Eglise a été achevée par la mise en œuvre de la mission apostolique: « Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ, afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction, mais que, professant la vérité dans la charité, nous croissions à tous égards en celui qui est le chef, Christ. C'est de lui, et grâce à tous les liens de son assistance, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s'édifie lui-même dans la charité» ( Eph., 4, 11-16. Cf. aussi I Cor., 12, 12-31).

C'est d ans ce cadre que s'inscrit la description de la mission de ceux qui ont été chargés de la diaconie pastorale au niveau local, périphérique, ainsi qu'œcuménique, mais aussi de ceux qui composent avec la qualité des membres le corps ecclésial ‘ qui est le corps du Christ '. En ce sens l'apôtre décrit brièvement et de manière claire la mission difficile et complexe des apôtres lors de l'exerce de leur mission pastorale dans les communautés nouve llement établies, avec les paroles suivantes: « Ainsi, qu'on nous regarde comme des serviteurs de Christ, et des dispensateurs des mystères de Dieu. Du reste, ce qu'on demande des dispensateurs, c'est que chacun soit trouvé fidèle» (I Cor., 4, 1-2). Une définition analogue est aussi donnée s ur la responsabilité spirituelle personnelle en la qualité de simple fidèle pour l'expérience de la nouvelle vie en Christ: «car c'est par la loi que je suis mort à la loi, afin de vivre pour Dieu. J'ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi» (Gal., 2, 19-20).

J usqu 'au schisme de 1054, l'ecclésiologie de la tradition patristique commune est telle que décrite au premier paragraphe de l' Encyclique du Saint et Grand Synode de l'Eglise orthodoxe, selon laquelle l'Eglise est lié e strictement au corps éternel et historique du Christ par l'Esprit saint et la vierge Marie. Cependant, cette ontologie christocentrique de l'Eglise qui concerne non seulement l'identité de l'Eglise terrestre, mais aussi sa mission salvatrice, exclu t en même temps toute sorte de propositions ecclésiologiques radicales, voire arbitraires, pneumatocentriques, eucharistocentriques ou anthropocentriques, formulées non seulement par des théologiens renommés, mais aussi par des fidèles de tendances confessionnelles différentes (catholiques romains, orthodoxes ou protestants).

Les conséquences de cette diversité heurtent l'unanimité au sein du corps ecclésial. En ce sens, il était indispensable pour les membres du Saint Synode de clarifier l'ecclésiologie orthodoxe au premier paragraphe de l'Encyclique, sous le titre ‘Eglise: Corps du Christ, image de la Sainte Trinité ', afin de rendre plus claire l'ecclésiologie de la tradition patristique et l'ontologie christocentrique de l'Eglise terrestre, excluant ainsi les propositions ecclésiologiques pneumatocentriques, typologiques ou même symboliques de la théologie scholastique.

Dans ce cadre, l'introduction de l' Encyclique du Synode mentionne de façon forte la relation indissoluble de la mission salvatrice de l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique avec l' ensemble de l'économie divine pour le salut du genre humain. L'incarnation du Fils et du Logos de Dieu et son œuvre terrestre avaient comme but de r évél er à l'humanité le Dieu trinitaire en tant qu'amour infini et de rendre possible à nouveau la restitution de l'image de Dieu, affaiblie après la chute des premiers hommes: « Le saint et grand Concile de l'Église une, sainte, catholique et apostolique constitue un témoignage authentique de la foi dans le Christ Dieu-homme, Fils unique-engendré et Verbe de Dieu qui, par son Incarnation, toute son œuvre sur terre, Son Sacrifice sur la Croix et Sa Résurrection, a révélé le Dieu trinitaire en tant qu' Αmour infini» (2).

Ainsi, il devient évident que les participants au Saint et Grand Synode avaient conscience de suiv re la tradition des apôtres et des Pères: « En cela, nous nous conformons à la tradition des Apôtres et de nos Pères qui annonçaient le Christ et l'expérience salvatrice de la foi de l'Église, faisant de la théologie en vue de « prendre dans les filets » – c'est-à-dire conformément à l'apostolat – les humains de tout temps, pour leur transmettre l'Évangile de la liberté en Christ (cf. Ga 5, 1). L'Église ne vit pas pour soi. Elle s'offre pour l'humanité tout entière, l'élévation et le renouveau du monde dans des cieux nouveaux et une terre nouvelle (cf. Ap 1, 21). Dès lors, elle donne le témoignage évangélique et elle partage les dons que Dieu dispensa à l'humanité : son amour, la paix, la justice, la réconciliation, la force de la Résurrection et l'espérance de l'éternité» (3).

 

1) La vie liturgique en tant que moyen d'instruction de s fidèles dans la vie en Christ

L'Eglise orthodoxe a comme source d'inspiration la vie sacramentelle et surtout la divine Eucharistie avec laquelle le fidèle peut acquérir la donation eucharistique d u Dieu trinitaire. La divine Eucharistie n'est pas un simple sacrement ayant un simple but liturgique. Eucharistie, baptême et chrisme constitue nt des sacrements qui initient le fidèle et font de lui un membre actif du corps ecclésial. Sa participation à la divine Liturgie lui donne la grâce pour vivre une vie en Christ et l ' aide à sauver son âme (4). Il est tout à fait significatif que, comme nous pouvons le déduire de l'épître Corinthiens I, et singulièrement du chapitre XI, depuis l'apparition du Christianisme il y avait une identification de l'Eglise et de l'assemblée eucharistique. Quand l'apôtre Paul donne des instructions aux Corinthiens pour le culte, il utilise le terme ‘ Eglise ' pour décri re l'assemblé e eucharistique (5).

Ainsi, comme le constate Y. Congar, cette identification de l'assemblé e eucharistique et de l'Eglise de Dieu n'aurait pas de sens si elle ne supposait parallèlement un lien profond entre la divine Eucharistie et la conscience que l'Eglise primitive avait de l'unité (6). Comme le remarque Jean Zizioulas ‘ La pleine identification de l'assemblé e eucharistique et de l'Eglise de Dieu…est le principe fondamental de la conception primitive de la catholicité de l'Eglise. Dans la mesure où l'assemblée eucharistique incarne et révèle dans l'histoire, non une partie du Christ unique, mais l'unique Seigneur lui-même et tout enti er, assumant en Lui continuellement ceux qui sont 'plusieurs', afin de le rendre un, de les ramener par son sacrifice devant le Trône du Père, nous n'avons pas dans l'Eucharistie une partie de l'Eglise, mai s le ‘tout' de l'Eglise même, tout le corps du Christ' (7).

En ce sens, la diaconie pastorale de l'Eglise est de transmettre aux hommes la grâce de Dieu et d' aider la société en prêchant et transfusant l'amour infini du Fils et du Verbe de Dieu pour l'humanité entière et d'offrir, grâce à l'illumination de l'Esprit saint et à la vie liturgique, la vraie vie qui est en Christ. D e leur côté, les fidèles qui vivent conformément aux commandements du Christ deviennent prêcheurs du message de l'Evangile surtout auprès de leurs semblables qui ne connaissent pas la vérité de l'Evangile ou qui, à cause de leur connaissance superficielle de la parole divine, sont enclins aux hérésies (8).

Pour conclure par rapport à importance de la vie sacramentelle de l'Eglise pour les fidèles, nous mentionnons un constat de N. Nissiotis : « By the importance of the liturgical-sacramental life centered on the Eucharist, the event which reaffirms the Church as the Body of Christ, renewed by the Spirit and preserving her identity in all world situations. The Church, thus understood, does not depend on confessional statements or scholastic definition. She is her own life in Christ. Ecclesiology is a commentary on the operation of the Holy Spirit. Church structure, apostolic ministry and succession have to be interpreted through a charismatic pneumatology. Church orders are not de jure derived from divine potestas or a pyramidal hierarchy but are a communal event, a gift of grace to the Ecclesia, which guarantees its authenticity. That means that there is no qualitative difference in essence between a general and a special ministry. Instead there is a particular, indispensable diakonia, incarnating not an order and a discipline but rather the love of the Spirit, binding the members of the Church community into one body. There cannot be an organic unity in the Church without one mutually recognized ministry, and each local church is recognizable through the one who presides at the liturgy and thus unites it with the universal Church» (9)

 

2) La Divine Eucharistie

Le lien évident de la fondation de l'Eglise avec l'Incarnation et la vie terrestre du Christ a défini pour toujours la liaison in dis soluble de la diaconie pastoral e avec la vie sacramentelle du corps ecclésiastique. Ce cadre a été défini par notre Seigneur, Jésus Christ. Le choix des douze apôtres, leur préparation pour l'exerce de leur important e mission confiée à eux par notre Seigneur, leur participation à la célébration de la Cène en la qualité de disciples avant sa Crucifixion, la promesse du Christ de l'envoi du saint Esprit avaient comme but de les pousser à s'attacher à la mission extrêmement difficile qui leur avait été confiée à travers la transmission de S on pouvoir après S a Résurrection. Cet acte a été réalisé pour continuer avec succès cette mission difficile, dont l'ensemble d es aspects est décrit avec une plénitude impressionnante par l'évangéliste Jean (Jn. ch. 15-21).

C'est d ans ce cadre que s'insère le commande ment qu'Il donna à ses onze disciples après sa Résurrection de prêcher l'Evangile de la vérité à tou te s les nations, selon le témoignage de saint Matthieu: « Jésus, s'étant approché, leur parla ainsi: Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre.   Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, 20  et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde» (Mt. 28, 18-20). C'est en ce sens que Jean l'Evangéliste se réfère à cette mission confiée par le Christ après sa Résurrection: « Jésus leur dit de nouveau: La paix soit avec vous! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie.   Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint Esprit.   Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ” (Jn., 20, 21-23).

La même exhortation a été donné e après son Ascension: « Il leur répondit: Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre» ( Act., 1, 7-8). La tenue de la promesse de l'envoi du saint Esprit a été liée au jour d e la Pentecôte : « Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer.  » ( Act., 2, 1-4) .

Donc, l'effusion du saint Esprit aux apôtres lors du jour d e la Pentecôte a mis en acte le pouvoir, donné à eux par le ‘ souffle ' du Christ après sa Résurrection pour annonce r l'Evangile à tou te s les nations jusqu'aux confins de la terre, bapt iser ceux qui croient à la confession de foi à la sainte Trinité et installer dans les Eglises nouvellement établies le clergé local (presbytres ou évêques et diacres) pour célébrer sans interruption le sacrement de la Divine Eucharistie selon l'exhortation du Christ (Mt., 26, 26-29. Mc., 14, 22-25, Luc., 22, 14-20. Jn., 6, 32-35, 47-59. I Cor., 10. 15-17. 11, 23-29 etc.). Concernant la transmission de la vérité révélée, il faut souligner que  dès le début, dans la conscience de l'Église, se manifeste la conviction que les principales personnes dans la Tradition sont les maillons d'une chaîne surnaturelle ; que cette chaîne procède de Dieu, passe par le Seigneur et les Apôtres, et parvient jusqu'aux évêques et aux autres ecclésiastiques établis dans le monde.

Clément de Rome exprime parfaitement cette vérité, lorsqu'il dit: «Les apôtres ont reçu pour nous la bonne nouvelle par le Seigneur Jésus Christ ; Jésus, le Christ, a été envoyé par Dieu. Donc le Christ vient de Dieu, les apôtres viennent du Christ ; les deux choses sont sorties en bel ordre de la volonté de Dieu. Ils ont donc reçu des instructions et, remplis de certitude par la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ, affermis par la parole de Dieu, avec la pleine certitude de l'Esprit Saint, ils sont partis annoncer la bonne nouvelle que le royaume de Dieu allait venir. Ils prêchaient dans les campagnes et dans les villes et ils en établissaient les prémices, ils les éprouvaient par l'Esprit, afin d'en faire les épiscopes [évêques] et les diacres des futurs croyants. Et il n'y avait là rien de nouveau ; car depuis bien longtemps l'Écriture parlait des épiscopes et des diacres ; il est en fait écrit quelque part [Es 60,17] : J' é tablirai leurs épiscopes dans la justice et leurs diacres dans la foi'» (10) . Ce qui est transmis dans la Tradition sacrée, les sources historiques de l'Église lui attribuent différents noms : « enseignement», « doctrine», « prédication», « parole» ou « paroles», « commandements de Dieu et du Seigneur» voire « évangile» et « évangiles» [bonnes nouvelles].

Saint Justin l'Apologiste dit à ce propos : «Les Apôtres en effet, dans les Mémoires qui nous viennent d'eux et qu'on appelle Évangiles, nous rapportent qu'il leur a été ordonné d'agir ainsi» (11) . De même, saint Polycarpe utilise des termes presque identiques : «C'est pourquoi abandonnons les vains discours de la foule et les fausses doctrines, et revenons à l'enseignement qui nous a été transmis dès le commencement» (12)  . Saint Justin, pour sa part, en se référant à tout ce que le Christ, venu d'auprès de Dieu le Père pour donner cet enseignement, a légué aux générations futures, choisit une formule plus concise : «telle est la doctrine que nous avons reçue et que nous transmettons généreusement» définissant ainsi non seulement ce qui est transmis par lui («la doctrine que nous avons reçue»), mais aussi le mode de transmission, à savoir en fidélité à ce qui est transmis dès le commencement et légué en abondance au profit de ceux qui le reçoivent (13) .

Conformément à la tradition ecclésiale, l' Encyclique du Saint et Grand Synode souligne que la mission principale des apôtres et de leurs collaborateurs a été la propagation de l'Evangile dans tou te s les nations de la terre, et c'est à cause d'elle que ‘ L'apostolat et l'annonce de l'Évangile – ou l'action missionnaire – appartiennent au noyau de l'identité de l'Église : c'est sauvegarder le commandement du Seigneur et s'y conformer: « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). C'est le « souffle de vie » que l'Église dispense à la société humaine et qui ecclésialise le monde au travers de l'établissement de nouvelles Églises locales. Dans cet esprit, les croyants orthodoxes sont et doivent être des apôtres du Christ dans le monde ' (14).

Certes, d'après les commandements du Christ et selon l'exemple des apôtres, la source de l'inspiration générale de leur mission apostolique fut la divine économie dans sa totalité pour le salut du genre humain. Pour cette raison, l'apôtre des nations Paul a mis au point pour les fidèles l'exemple parfait des manières des apôtres et de leur consécration absolue à la prédication de l'Evangile: « Ainsi, qu'on nous regarde comme des serviteurs de Christ, et des dispensateurs des mystères de Dieu. Du reste, ce qu'on demande des dispensateurs, c'est que chacun soit trouvé fidèle» ( Act. 4, 1). Donc, le modus des apôtres fut l e vécu personnel de la relation spirituelle ininterrompue et de la communion continue avec le fondateur divin de l'Eglise lors de la célébration du sacrement de la Divine Eucharistie selon son exhortation: « faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez » (I Cor., 11, 25).

Ainsi, les fidèles de l'Eglise doivent participer à cette annonce de l'Evangile de manière active en respectant toujours la liberté de conscience des hétérodoxes. En ce sens, dans l 'Encyclique du Synode a été mise en avant l'importance de la participation des fidèles à l'expérience spirituelle pendant la Cène eucharistique en Christ. ‘ La participation à la divine Eucharistie est une source d'ardeur apostolique pour évangéliser le monde. Participant à la divine Eucharistie et priant en la sainte assemblée pour toute la terre habitée, nous sommes appelés à prolonger la « liturgie après la Divine Liturgie » ; à témoigner de la vérité de notre foi devant Dieu et les hommes ; à partager les dons de Dieu avec l'humanité tout entière ;' (15).

En ce sens, l'expérience spirituelle des fidèles vécue lors de leur participation à la Divine Liturgie est précisée d'une façon encore plus claire dans le texte synodal sous le titre ‘ La mission de l'Eglise orthodoxe dans le monde contemporain ', ayant toujours comme point de référence le mystère de la divine économie en Christ pour le salut du genre humain: « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » ( Jn 3, 16). L'Église du Christ vit « dans le monde », mais elle « n'est pas de ce monde » ( Jn 17, 11 et 14-15). L'Église en tant que Corps du Verbe de Dieu incarné (Jean Chrysostome, homélie avant l'exil I, 2. PG 52, 429) est la « présence » vivante, le signe et l'image du Royaume du Dieu trinitaire dans l'histoire ; présence annonçant une« nouvelle créature » (II Co 5, 17), « des cieux nouveaux et une terre nouvelle… où la justice habite »(II Pierre 3, 13). Un monde dans lequel Dieu « essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, il n'y aura ni deuil, ni cri, ni souffrance » ( Ap 21, 4-5).

Cette attente est déjà vécue et goûtée d'avance dans l'Église, par excellence chaque fois qu'elle célèbre la divine Eucharistie et que se réunissent « en assemblée » (I Co 11, 17) les enfants dispersés de Dieu, en un corps sans distinction de race, de sexe, d'âge, d'origine sociale ou toute autre forme de distinction, là où « il n'y a plus ni Juif, ni Grec, il n'y a plus ni esclave, ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme » (Ga 3, 28, cf. aussi Col 3, 11), dans un monde de réconciliation, de paix et d'amour… Puisant dans ces principes, dans l'expérience et enseignement de sa tradition patristique, liturgique et ascétique, l'Église orthodoxe participe au questionnement et à l'angoisse de l'homme contemporain sur des questions existentielles fondamentales qui préoccupent le monde d'aujourd'hui, soucieuse de contribuer à leur solution pour que la paix de Dieu « qui surpasse toute intelligence » (Ph 4, 7), la réconciliation et l'amour prévalent dans le monde» (16).

Nous constatons alors que la vie sacramentelle et surtout la Divine eucharistie se trouvent au centre du témoignage de l'Eglise et de l'annonce de l'Evangile dans l'histoire et dans le monde entier. Il est très significatif que l'application même des canons vise à garantir la continuité et l'authenticité de la divine Eucharistie. En effet, comme le souligne V. I. Phidas, ‘ la pérennité et l'authenticité de la divine Eucharistie sont certifiées par la continuité authentique du ministère apostolique de l' épiscopé …Par conséquent les sacrements du Sacerdoce et de l'Eucharistie constituent les deux axes sur lesquels s'organise et fonctionne l'Eglise dans le temps et dans l'histoire, et c'est pour cela que les expressions fondamentales du Droit canon se réfèrent directement ou indirectement à la succession apostolique et à la confirmation de la divine Eucharistie ' (17).

La participation des fidèles aux sacrements de l'Eglise devien t un témoignage vivant de la réconciliation de l'homme avec le Dieu trinitaire et avec son prochain, ainsi que l'amour pour autrui à l'image de Jésus Christ. Il faut souligner l'approche eucharistocentrique non seulement de la vie ecclésiale, mais plus généralement de la création dans son ensemble. Jean de Pergame décrit ainsi cette perception: «La divine Liturgie est en effet la plus positive acceptation du monde et de la création…Chaque croyant, qui participe à la liturgie porte avec lui -et je dis cela de manière réaliste- le monde. Il ne se contient pas de ses faiblesses et de ses passions. Il a toute sa relation avec le monde naturel, avec la création» (18) . De plus, la participation des fidèles à la divine Eucharistie signifie aussi la confession de la vraie foi, c'est-à-dire qu'elle a un caractère confessionnel. Et cela parce que ce n'est pas de l'Eucharistie que résulte la foi orthodoxe, mais c'est de la foi orthodoxe que résulte l'Eucharistie véritable, ou la rencontre avec le véritable Christ.

Donc, la communion aussi dans la véritable Eucharistie se base sur l'unité dans la foi orthodoxe. En effet, lors de la divine Eucharistie, les actes accomplis avant le sacrifice figurent la manifestation parfaite de Jésus Christ, tandis que les actes accomplis après le sacrifice représentent l'accomplissement de la promesse du Père, comme le Christ l'a dit lui-même, de la descente de l'Esprit saint sur les apôtres, le retour par ces actes des nations à Lui et la communion à Lui (19). Or, c ette richesse des aspects liturgiques de l'Eglise amena les rédacteurs de l'Encyclique à faire une référence à part au sacrement qui d urant c es dernières décennies a été mis en doute et révisé de manière erroné e et contre la tradition ecclésiale à cause de la confusion spirituel le. Il s'agit du sacrement d u mariage.

 

3) La protection de la sacralité du mariage

Le sacrement du mariage fut instauré au tout début de la création, d'après les paroles de notre Seigneur: « Mais au commencement de la création, Dieu fit l'homme et la femme; c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair» (Marc. 10, 6-8). L'importance fondamentale du sacrement du mariage est mis en avant par l'apôtre Paul aussi dans l'Epître aux Ephésiens, o ù il assimile l'union entre l'homme et la femme à l'union du Christ et de l'Eglise: ‘ C'est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Celui qui aime sa femme s'aime lui-même. Car jamais personne n'a haï sa propre chair; mais il la nourrit en en prend soin, comme Christ le fait pour l'Eglise, parce que nous sommes membres de son corps. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère et grand; je dis cela par rapport à Christ et à l'Eglise. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari. ' ( Eph., 5, 28-33).

Ainsi, le lien du couple prend un caractère spirituel grâce à la bénédiction de Dieu et la sanctification de l'Eglise. Jean Damascène, porteur de la tradition patristique, considère que le mariage a été créé pour vaincre l'ennemi de l'humanité, la mort. Comme il l'écrit pour ‘ que la race humaine ne f û t pas consommée ni anéanti e par la mort ' (20). Probablement, c'est le livre du Cantique des Cantiques, un poème sur l'amour entre l'homme et la femme symbolisant l'amour entre Dieu et Israël, qui a donné ce fond théologique au sacrement du mariage.

Une catégorie toute spéciale du mariage est le mariage mixte ', un terme qui en général signifie l'union entre deux personnes de différentes ethnie, race, religion et nationalité. En Orient il faut entendre par ce terme le mariage conclu entre deux personnes baptisées au nom de la sainte Trinité, dont l'une est orthodoxe et l'autre non orthodoxe. La question du mariage entre un chrétien et un hérétique ou hétérodoxe (païen au début du Christianisme) a été posée de manière claire par l'apôtre Paul à l'épître I Corinthiens (7, 1-40). Le concile de Laodicée (343) stipule avec les canons 10 et 31 que: « On ne doit pas se marier avec des hérétiques quels qu'ils soient, ni leur donner en mariage ses fils ou filles, à moins qu'ils ne promettent de se faire chrétiens» (21).

Ces canons des Conciles locaux précités ont été réaffirmés par l e IV e Concile œcuménique de C h alcédoine (451) avec le canon 14 : « Comme dans quelques provinces on a permis aux lecteurs et aux chantres de se marier, le saint concile a décrété qu'aucun d'eux n e doit épouser une femme hérétique; ceux qui ont eu des enfants après avoir contracté de pareils mariages, s'ils ont déjà fait baptiser leurs enfants chez les hérétiques, doivent le s présenter à la communion de l'église catholique. Si ces enfants ne sont pas encore baptisés, ils n e doivent pas les faire baptiser chez les hérétiques, ni les donner en mariage en mariage à un hérétique, à un juif ou à un païen, à moins que la personne qui doit se marier à la partie orthodoxe ne promette d'embrasser la foi orthodoxe. Si quelqu'un va contre cette ordonnance du sai n t concile, il sera frappé des peines canoniques» (22).

Le concile Quinisexte (692) a réglé la question des mariages mixtes avec le canon 72, qui stipule qu'un mariage entre un homme orthodoxe et une femme hérétique et vice versa doit être considéré comme nul car il ne faut pas unir un loup avec une brebis. Celui qui transgresse cette interdiction doit être excommunié (23). Ces sanctions canoniques vraiment rigides se sont poursuivies dans la période post-byzantine et jusqu'au début du XIX e siècle. Ainsi, un décret du Patriarche Dositheos de Jérusalem en 1706 stipula, que « dorénavant, toute femme épousant un Arménien, ne devrait pas être autorisée à entrer dans l'Église, et devrait être privée de la Sainte Communion, ainsi que d'une sépulture orthodoxe appropriée » (24) . Un siècle plus tard, en 1806, le patriarche œcuménique Grégoire V, avec une Lettre encyclique, chargea les évêques diocésains de « ne pas délivrer de licences de mariage aux orthodoxes qui avaient l'intention d'épouser un hétérodoxe ou un hérétique» (25).

En dépit de la position rigoureuse du Patriarche Grégoire V par rapport aux mariages mixtes, nous constatons une tendance à tolérer de tels mariages. Ainsi, en 1782, pendant le patriarcat du Patriarche œcuménique Gabriel IV, l'Église a permis par économie canonique aux «immigrés» orthodoxes d'Inde d'épouser des femmes et des vierges arméniennes et papistes (sic), en raison de l'absence de femmes dans ce pays, à condition que le mariage et le baptême des futurs enfants soient célébrés par un prêtre orthodoxe (26). Il est assez intéressant de noter que cette mesure a été prise afin d'empêcher la « perdition» de ces hommes, au cas où ils auraient fréquenté des prostituées et d'autres femmes irrespectueuses.

L'inclusion de la question des mariages mixtes dans l'ordre du jour du Saint et Grand Concile de l'Église orthodoxe, il y a près de quarante ans, reflétait précisément une nouvelle réalité «œcuménique» et démontrait la volonté des Églises orthodoxes locales de trouver des solutions viables à ce problème pastoral brûlant et crucial. Une première discussion exhaustive sur ce sujet a eu lieu en 1971, dans le cadre de la Commission Préparatoire Inter-Orthodoxe du Saint et Grand Concile de l'Eglise Orthodoxe, au cours de laquelle les délégués des Églises Autocéphales et Autonomes Orthodoxes présents à la réunion ont exprimé leurs opinions en ce qui concerne la solution du problème.

La position de l'Eglise de Pologne, une Eglise minoritaire dans un environnement catholique-romain avec une majorité étonnante des citoyens catholiques, fut très révélatrice. Le point de vue de cette Église était qu'à la lumière de l'évolution œcuménique actuelle et de l'amélioration des relations inter-ecclésiales locales, l'Église orthodoxe devrait accepter les mariages mixtes avec tous les baptisés au nom de la Sainte Trinité (27). La recommandation du Comité préparatoire inter-orthodoxe était que la Ière Conférence pré-conciliaire panorthodoxe devait aborder cette question avec la plus grande attention, en tenant compte des conditions de vie des églises orthodoxes locales dans chaque lieu, et envisager de leur donner la liberté de rechercher des solutions à la question des mariages mixtes, en fonction des circonstances et des besoins pastoraux de cas particuliers (28).

Donc, la mise au point de la proposition de ce Comité Préparatoire fut finalement achevée onze ans plus tard par la IIème Conférence Pré-Conciliaire Panorthodoxe, tenue à Chambésy en septembre de 1982 (29). Après un long débat, et sous réserve de l'approbation du Saint et Grand Concile, cette Conférence prit des décisions qui différèrent de la pratique ecclésiale, prouvant ainsi que l'Église orthodoxe n'en est pas restée au passé, mais au contraire s'adapte à l'esprit des temps, inspirée et guidée comme elle l'est par l'Esprit Saint. Cette conférence préconciliaire a effectivement agi en conformité avec les pratiques antérieures de l'Église. Voici les décisions de la IIème Conférence panorthodoxe sur les mariages mixtes.

« Concernant les mariages mixtes contractés entre orthodoxes et non- orthodoxes, d'une part, et orthodoxes et non-chrétiens ou non-croyants d'autre part: a) le mariage entre orthodoxes et non-orthodoxes est empêché selon l'acribie canonique. Toutefois, il peut être célébré par condescendance et amour de l'homme à la condition expresse que les enfants issus de ce mariage soient baptises et élevés dans l'Eglise orthodoxe. Les Eglises orthodoxes locales peuvent prendre la décision quant à l‘application de l'économie selon les cas précis et leurs besoins pastoraux particuliers. b) le mariage entre orthodoxes et non-chrétiens ou non-croyants est absolument emp ê ch é selon l'acribie canonique. Les Eglises orthodoxes locales peuvent néanmoins décider en ce qui concerne ces mariages d'user de l'économie compte tenu de leurs besoins pastoraux particuliers. 8. Lors de l'application de la tradition ecclésiale concernant les empêchements au mariage. La pratique ecclésiale doit également prendre en considération les prescriptions de la législation civile à ce sujet, sans dépasser toutefois les limites extrêmes de l'économie ecclésiale» (30). Le même texte sur les mariages mixtes avec de s modifications secondaires, a été ratifié par l a Ve Conférence panorthodoxe préconciliaire ( Chambésy, 10-17 oct. 2015) (31).

Il est vrai que la problématique des années ‘80 a changé depuis les dernières décennies avec l 'apparition de nouve aux types de cohabitations des individus du même sexe et la revendication de leur reconnaissance au niveau juridique et même, dans certains pays, d' un statut égal aux mariages de personnes hétérosexuelles. Ces nouve lles donné e s suscité e s par de s confusions spirituelles de nos jours est devenu évidente lors du débat concernant le thème ‘ Le sacrement du Mariage et ses empêchements ' lors de l'assemblé e des primats des Eglises orthodoxes autocéphales ( Chambésy, 21-28 janvier 2016). L'assemblée a demandé avec insistance une protection plus complète de la sacralité du sacrement du Mariage et de la valeur unique de l'institution sacrée de la famille pour la mission spirituelle de l'Eglise en comparaison avec les textes ratifiés précités.

En effet, le texte a été révisé par un Comité spécial du Secrétariat du Synode pour y ajouter de manière claire l'opposition bien évidente de l'Eglise aux cohabitations arbitraires homosexuelles ou même hétérosexuelles, accompagnées en plus d'exigences pour qu'elles soient reconnues comme une nouvelle forme du Mariage ou une nouvelle forme de la famille. Cette opposition a vait comme point de référence non seulement la tradition chrétienne, mais aussi le droit gréco-romain. Ainsi, l'acceptation enthousiaste du texte révisé a élargi les perspectives du renouvellement de la diaconie pastorale de l'Eglise, pour le soutien approprié non seulement du sacrement du Mariage, mais aussi de l'institution sacrée de la famille qui est mise en doute.

Cette position de l'Eglise était indispensable pour la prévention ou même la dissuasion d'interventions législatives arbitraires et même écrasantes dans le droit de la famille d'une société chrétienne. Le texte synodal intitulé ‘ Le sacrement du Mariage ' souligne les principes de la tradition chrétienne de manière bien claire: « La crise de l'institution du mariage et de la famille, sous ses multiples aspects, inquiète profondément l'Église orthodoxe à cause non seulement de leurs conséquences négatives sur la structure sociale, mais aussi de la menace qu'ils font peser sur les relations au sein de la famille traditionnelle... L'Église n'accepte pas pour ses membres des contrats de cohabitation entre personnes du même sexe ou de sexe différent, ni d'ailleurs toute forme de cohabitation autre que mariage. L'Église doit déployer tout effort pastoral possible pour que ses membres égarés dans de telles formes de cohabitation puissent comprendre le véritable sens de la pénitence et de l'amour béni par l'Église» (32).

En ce sens, l e Comité spécial chargé de la rédaction de l' Encyclique du Synode a mis au point le texte intitulé ‘ Le sacrement du Mariage et ses empêchements ' en y incluant une unité sous le titre très caractéristique ‘ La Famille – icône de l'amour du Christ pour Son Église ' pour souligner l'importance exceptionnelle du Mariage chrétien pour la vie spirituelle des fidèles, menacée par l'imposition arbitraire des cohabitations hétérosexuelles ou homosexuelles. Dans ce cadre, l' Encyclique du Synode déclare:

« L'Église orthodoxe considère l'union indéfectible liant l'homme à la femme dans l'amour comme un « grand mystère … du Christ et de l'Église » ( Ep 5, 32) et elle s'intéresse à la famille qui en résulte. C'est la seule garantie pour la naissance et l'éducation d'enfants selon le plan de la divine économie en tant que « petite Église » (Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'épître aux Éphésiens, 20, PG 62, 143), lui apportant le soutien pastoral nécessaire… La crise contemporaine du mariage et de la famille est issue de la crise de la liberté qui est réduite à une réalisation du soi vouée à la poursuite du bonheur ; qui est assimilée à une fatuité, autarcie et autonomie individuelle ; qui entraîne la perte du caractère sacramentel de l'union de l'homme et de la femme ; et qui oublie l'éthos sacrificiel de l'amour… Le mariage est un atelier de vie dans l'amour nourri par l'Église et un don incomparable de la grâce de Dieu» (33). Ainsi, le texte synodal sur le sacrement du Mariage souligne à juste titre que ‘ les victimes principales de ces courants sont le couple et principalement les enfants qui, trop souvent, dès leur plus tendre enfance, subissent malheureusement le supplice sans en être coupables ' (34).

Pour cette raison le Saint et Grand Synode en appel le aux jeunes orthodoxes pour qu'ils prennent conscience qu'ils sont les porteurs d'une tradition séculaire et bénie par l'Eglise orthodoxe et qu'en même temps ils sont ses héritiers qui doivent la sauvegarder et la cultiver hautement (35). On comprend aussi clairement pour quoi on donne une grande importance au soin pastoral d û non seulement pour la protection du sacrement du Mariage et la sacralité de l'institution de la famille, mais en même temps pourquoi sont mises en relief les conséquences négatives pour les jeunes à cause de la légalisation des cohabitations hétérosexuelles ou même homosexuelles:

« L'Église n'offre pas à la jeunesse seulement de «l'aide», mais la «vérité», celle de la vie nouvelle divino-humaine en Christ. La jeunesse orthodoxe doit prendre conscience qu'elle est porteuse d'une tradition de l'Église orthodoxe multiséculaire et bénie et en même temps la continuatrice de cette tradition qu'il faut préserver avec courage et cultiver avec force les valeurs éternelles de l'Orthodoxie, pour rendre un témoignage chrétien vivifiant. De cette jeunesse sortiront les futurs serviteurs de l'Église du Christ. Ainsi, les jeunes ne sont pas uniquement le « futur » de l'Église, mais aussi l'expression active de sa vie au service de l'homme et de Dieu dans le présent» (36).

C'est en ce sens que le paragraphe de l'Encyclique du Saint Synode, sou s le titre ‘ L'éducation selon le Christ' se réfère à la base du soin pastoral de l'Eglise pour les fidèles et leur développement spirituel, ainsi que leur responsabilité personnelle pour leur participation dans la nouvelle vie en Christ: «L'éducation occupe le centre de la sollicitude pastorale de l'Église en vue non seulement de la culture intellectuelle, mais aussi de l'édification et du développement de l'être humain dans son ensemble en tant qu'entité psychosomatique et spirituelle, selon la question à trois volets: Dieu, homme, monde. Dans son discours catéchétique, l'Église orthodoxe appelle affectueusement le peuple de Dieu, la jeunesse notamment, à la participation consciente et active à la vie de l'Église, en cultivant chez elle « l'aspiration parfaite » à la vie en Christ. Ainsi, le plérôme chrétien trouve dans la communion divino-humaine de l'Église un soutien existentiel, pour y vivre la perspective pascale de la déification par grâce» (37).

Cette préoccupation a comme but de confirmer que l'éducation chrétienne adéquate occupe le centre de la mission pastorale de l'Eglise, et, en même temps, de préparer les jeunes pour répondre avec la prudence convena ble aux défis provo cateur s engendrés par le pouvoir de l'Etat, de l'idéologie de sécularisation, de l'individualisme nombriliste qui demeure hostile envers l'Eglise et la religion généralement, de l'apparition des phénomènes nocifs d u fondamentalisme, des discriminations raciales, de la haine et d u fanatisme religieux, tous ces aspects qui s'aggravent dans la tourmente de la globalisation etc. En ce sens, l' Encyclique du Synode exhorte:

«Dans une société mondiale axée sur l' «avoir» et l'individualisme, l'Église orthodoxe universelle propose la vérité de la vie en Christ et selon Christ, librement incarnée dans la vie quotidienne de chaque être humain par son travail accompli « jusqu'au soir » (Ps 103, 23) moyennant lequel celui-ci devient collaborateur du Père éternel – « car nous travaillons ensemble à l'œuvre de Dieu » (I Co3, 9) – et de Son Fils [« Mon Père, jusqu'à présent, est à l'œuvre et moi aussi je suis à l'œuvre » (Jn5, 17)]. La grâce de Dieu sanctifie tous les ouvrages de l'homme coopérant avec Dieu, relevant en eux l'affirmation de la vie et communion humaine. Dans ce contexte est aussi placée l'ascèse chrétienne, radicalement différente de tout ascétisme dual qui isole l'humain de la société et de son prochain. L'ascèse chrétienne et la tempérance, qui relient l'homme à la vie sacramentelle de l'Église, ne concernent pas uniquement la vie monastique, mais ce sont des attributs de la vie ecclésiale dans toutes ses manifestations, un témoignage tangible de la présence de l'esprit eschatologique dans l'existence bénie des fidèles orthodoxes» (38).


Notes

(1) Jean Chrysostome, Antequam iret in Exsilium, PG 52, 429.

(2) Encyclique, Introduction.

(3)Op. cit.

(4) Archim. Michael Kardamakis, Traité d'anthropologie eucharistique, éd. Tinos, p. 12-13.

(5) I Cor., 11, 18-22.

(6) Y. Congar, Esquisses du mystère de l'Eglise, Paris 1953, éd. du Cerf, p. 10 sq.

(7) Jean ( Zizioulas), métropolite de Pergame, L'unité de l'Eglise dans l'Eucharistie et l'Evêque durant les trois premiers siècles, Paris 2011, éd. du Cerf, p. 32.

(8) Archim. Michael Kardamakis, Traité d'anthropologie eucharistique, p. 21-22.

(9) Nicolaos Nissiotis, ‘ Orthodox Principles in the Service of an Ecumenical Theological Education' , in Orthodox Theology and Diakonia, ed. Hellenic College Press, Brookline, Massachusetts 1981, p. 329- 338. p. 334.

(10) Clément de Rome , Épître aux Corinthiens, I, 42. SC 167, 169-170. Voir aussi Didaché  , 2. Polycarpe de Smyrne , Épître aux Philippiens, I, 2. 

(11)J ustin,   I Apologie  66, 3. Éd. Études Augustiniennes , Paris 1987, 191.

(12) Polycarpe de Smyrne , Épître aux Philippiens, 7, 2 . SC 10, 187.

(13) Justin,  I Apologie  6, 2. op. cit. 105. Voir aussi 53, 6 et 66, 3. op. cit. 171 et 191 ;  

(14) Encyclique II, 6.

(15) Encyclique II, 6.

(16) La mission de l'Eglise orthodoxe dans le monde contemporain, Introduction.

(17) V. I. Phidas, Droit Canon, Une perspective orthodoxe, Genève 1998, éd. Centre Orthodoxe du Patriarcat œcuménique, p. 112.

(18) Jean ( Zizioulas), métropolite de Pergame,'La vision eucharistique du monde et l'homme contemporain', Christianikon Symposium, éd. Estia, Athènes 1967, p. 183-191. p. 185.

(19) Sur cet aspect de la divine Eucharistie cf. Dumitru Staniloae, Spiritualité et communion dans la liturgie orthodoxe, Paris 2017, ed. Elidia.

(20) Fid . Orthodox., I, 2

(21) P. P. Ioannou , Fonti, Fascicolo IX, Discipline Général antique, II, p. 143.

(22) P. P. Ioannou , Fonti, Fascicolo IX, Discipline Général antique, I, p. 80-81.

(23) P. P. Ioannou , Fonti, Fascicolo IX, Discipline Général antique, I, p. 210.

(24) K. Delikanis, Patriarchal Documents, vol.3, Constantinople, 1905, p.684 (en grec).

(25) M. Gedeon, Canonical Instructions, vol. 2, Constantinople, 1889, p. 111 (en grec).

(26) M. Gedeon, Canonical Instructions, vol. 1, Constantinople, 1889, p. 265 (en grec).

(27) Towards the Great Council, No. 1, Chambesy -Geneva, 1971, p. 45 (= Πρός τήν Μεγάλην Σύνοδον 1.  Ε ἰ σηγήσεις τῆς Διορθοδόξου Προπαρασκευαστικῆς Ἐπιτροπῆς ἐπί τῶν ἕξ θεμάτων τοῦ πρώτου σταδίου,   Ὀρθόδοξον Κέντρον τοῦ Οἰκουμενικοῦ Πατριαρχείου, Chambesy Γενεύης 1971).

(28) Towards the Great Council, p. 46.

(29) Par rapport au procès de débat théologique sur cette question cf. Georges Tsetsis, ‘The pastoral dimensions of Mixed Marriages ', Eglise- Oecumène -Politique', Athènes 2007, p. 599-611.

(30) SYNODICA VIII, IIème Conférence Panorthodoxe Préconciliaire, ( Chambesy, 3-12 septembre 1982), Genève 1994, éd. Centre Orthodoxe du Patriarcat œcuménique, p. 215-215.

(31) SYNODICA XIII, Vème Conférence Panorthodoxe Préconciliaire, ( Chambésy, 10-17 oct. 2015), Genève 2016, éd. Centre Orthodoxe du Patriarcat œcuménique, p. 377-378.

(32) Le sacrement du Mariage, 8-10.

(33) Encyclique, III, 7.

(34) Le sacrement du Mariage et ses empêchements, 8.

(35) Le sacrement du Mariage., 11.

(36) Encyclique III, 8.

(37) Encyclique, IV, 9.

(38) Encyclique, V, 13.

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