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Les origines : la basilique de Constantin

Oreste Ferrari, Les trésors de l'art du Vatican , Paris 1970, éd. Aimery &Somogy, p. 11-16

La formation du premier noyau, de ce qui sera bien plus tard le complexe monumental et religieux du Vatican, se trouve intimement liée à la présence, à Rome, de l'apôtre Pierre fils de Jonas, désigné souvent sous le nom de Simon. Humble pêcheur de Galilée, il avait un caractère si faible qu'il renia son maître Jésus après l'arrestation de ce dernier au jardin des Oliviers (Evangile selon saint Matthieu, xxvi, 69-75); ceci bien qu'il eût, quelques jours aupa­ravant, reçu du Christ le titre suprême de premier chef de l'Eglise : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des deux: et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les deux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans les deux. » (Evangile selon saint Matthieu, XVI, 18-19).

D'après les premiers historiens de l'Eglise, Eusèbe (260-340) et saint Jérôme (342-420), saint Pierre serait arrivé à Rome sous le règne de l'empereur Claudius, c'est-à-dire vers l'an 42 après J.-C. ; il y serait resté jusqu'à sa mort (à l'exception peut-être des années 49 à 56 après J.-C., période pendant laquelle tous ceux qui étaient de race hébraïque, même ayant embrassé la religion chré­tienne, furent expulsés de la ville). A Rome il fut reconnu comme le chef de la petite communauté des disciples de la Foi nouvelle qui, déjà, se répandait et faisait des prosélytes non seulement parmi les Hébreux résidant dans la ville, mais également parmi les Romains, voire même les nobles Romains.

Une vie spirituelle intense animait cette petite communauté qui fut visitée pour la première fois par saint Paul en 59 après J.-C., et qui entretenait des relations assez fréquentes avec les autres communautés de premiers chrétiens de Palestine et d'Orient. On sait, cependant, quelle paraissait déjà suspecte et était considérée comme une secte subversive dans la mesure où elle se refusait à reconnaître l'autorité religieuse de l'empereur et, plus généralement, l'autorité morale de 1 Etat.

Donc au début, a peine tolérée, comme d'ailleurs toutes les communautés orientales qui avaient importé à Rome les cultes de leur pays d'origine (culte de Mithra, d'Isis), la communauté chrétienne subit une première persécution extrêmement féroce que Néron ordonna, entre autres, pour des raisons de politique intérieure : il fit allumer lui-même un incendie dans les quartiers les plus pauvres de Rome, en l'an 64 après J.-C., puis pour apaiser l'indignation populaire il en rejeta publiquement la responsabilité sur les chrétiens que l'on soupçonnait déjà d'accomplir certains rites sanguinaires et criminels.

Les deux disciples Pierre et Paul trouvèrent la mort lors de cette persécution qui atteignit le comble de l'horreur en 67 après J.-C. Saint Paul, citoyen romain fut décapité près de la voie d'Ostie, et saint Pierre, crucifié, la tête en bas, selon le désir qu'il exprima de ne pas être, lui simple disciple de Jésus, soumis au même supplice que son Maître.

Ainsi que la plupart de ses coreligionnaires, saint Pierre fut supplicié dans un cirque construit par Caligula (et décoré par lui d'un grand obélisque égyptien provenant d'Héliopolis), mais achevé par l'empereur Néron qui aimait a s y rendre pour courir en personne dans les courses de quadriges. Ce cirque s'élevait au-delà du Tibre, près de la voie Cornelia, sur la pente de cette colline connue alors sous le nom de mons Vaticanus , lieu réputé insalubre, et en partie consacré au culte de la déesse Cybèle.

Les chrétiens qui survécurent à cette persécution s'empressèrent de recueillir les restes des martyrs et de les ensevelir tout près du cirque de Caligula. s commencèrent ainsi à ériger une nécropole qui, par la suite, s'agrandit considérablement et fut également le lieu de sépulture de plusieurs païens. Nombre de mausolées et de tombeaux, certains de familles patriciennes comme celle des Valerii ou des Caetennii , datent de la période qui s'étend de 125 à 150 après J.-C. Ils furent découverts lors de fouilles effectuées au cours des dernières décennies. Certains de ces tombeaux comptent parmi les tout premiers témoins artistiques du culte chrétien à Rome: dans la voûte du tombeau de la famille des Julii (qui, à 1' origine, n'était autre qu'une sépulture païenne) on trouve par exemple une mosaïque où figure, entre deux motifs ornementaux composés de guirlandes de feuilles d'inspiration typiquement classique, un Christ monté sur un quadrige, tel Apollon ou Hélios, la tête couronnée de rayons lumineux symbole de son identification avec la vraie Lumière de l'Esprit.

On déposa donc, dans cette nécropole, les restes de saint Pierre dont le tombeau devint bientôt un objet de vénération pour les nouvelles générations de chrétiens qui ne tardèrent pas à lui conférer un caractère plus solennel. Ne parle-t-on pas déjà, dans une lettre du prêtre romain Caius — que l'on date entre 199 et 217 après J.-C. d'un tropaion c'est-à-dire d'un monument commémoratif? Et les fouilles récentes ont bien révélé qu'il s'agissait d'une sorte d'édicule à deux étages, probablement construit pour le pape Anicet vers 155-166, et adossé à un mur qui le maintenait en quelque sorte à l'écart par rapport à l'ensemble du cimetière (il s'agit là du « mur rouge » ainsi nommé à cause de la couleur de son crépi). Une petite dalle, supportée par deux colonnes et placée en travers, couvrait, au ras du sol, la fosse contenant la dépouille sacrée.

Préservée par le respect rigoureux dont on entourait tous les cimetières dans la Rome antique, le tombeau de l'apôtre resta longtemps intact, malgré les nombreuses persécutions que subit alors la communauté chrétienne, surtout durant les règnes des empereurs Domitien, Marc Aurèle et Dioclétien, persécutions qui alternaient d'ailleurs avec des périodes de tolérance plus ou moins large. Notons cependant que, même au cours de ces périodes de calme relatif, les chrétiens pratiquaient leur culte dans des conditions de semi- clandestinité, en butte aux soupçons et aux risques de toutes sortes, à l'intérieur des demeures privées ou plus souvent encore dans les cimetières souterrains ou catacombes qui, grâce à l'immunité inviolable dont jouissaient les nécropoles, offraient un refuge sûr aux fidèles traqués. Par la suite, les catacombes devinrent un immense labyrinthe qui se prolongeait sur des dizaines de kilomètres et s'étageait sur deux ou plusieurs plans, à divers niveaux de profondeur. Les tombes, creusées dans le tuf qui leur donne souvent l'apparence d'une archi­tecture primitive, ainsi que les sarcophages, s'enrichissent de décorations pictu­rales ou sculpturales qui, bien que liées très étroitement à la tradition figurative du style romain tardif, marquent le premier départ d'un art véritablement chrétien.

Le sort de la communauté chrétienne de Rome, lié à celui de toutes les autres communautés dispersées sur le territoire de l'Empire, changea totalement en 306, année où Constantin fut proclamé empereur en Bretagne, l'actuelle province d'York.

Sur le chemin de son retour à Rome, où il se rendit aussitôt pour prendre possession effective du trône autrefois usurpé par son rival Maxence, Constantin—ainsi le veut la légende—de passage sur les Alpes, eut la vision de la croix entourée par l'inscription «i n hoc signo vinces»; il fit alors frapper sur les enseignes de son armée la croix de Jésus et les premières lettres du nom du Christ, en grec (c= k et r = p ), créant ainsi cet étendard impérial caractéristique de son règne que l'on nomme labarum. En 312, avec ce nouveau drapeau, l'armée de Constantin affronta aux portes de Rome, sur le pont Milvius, l'armée de Maxence et lui imposa une défaite définitive.

Bien qu'il n'ait pas encore embrassé officiellement la foi chrétienne, Constantin, une fois installé sur le trône impérial, manifestera aussitôt un intérêt fervent et reconnaissant pour le nouveau culte; dès 313 , par le célèbre édit de Milan qui accordait la tolérance à toute confession religieuse quelle qu'elle soit, il marqua la fin des persécutions de la part des autorités de l'Etat; mais il prit une part encore plus vive à la vie de la communauté chrétienne de Rome, alors sous la direction du pape Sylvestre, en la soutenant dans la lutte contre l'hérésie des donatistes, en promouvant ensuite le premier concile œcuménique à Nicée en 325 qui condamna l'arianisme en tant qu'hérésie, et en déclarant enfin le christianisme comme religion officielle de l'Empire.

Ce dernier acte, à une époque où, ainsi que nous l'avons vu, l'Eglise de Rome avait encore une organisation peu structurée, n'avait pas encore guéri, loin de là, les blessures que lui avait infligées la plus récente et la plus cruelle des persécutions (celle de Dioclétien). De plus, elle était tourmentée par des discordes internes provoquées par les nombreuses tendances hérétiques. Cette reconnaissance officielle du christianisme plaçait donc implicitement l'Eglise romaine dans une position de prééminence par rapport aux autres églises chrétiennes et particulièrement à celles d'Orient; ce fut, également dans le domaine artistique, le levain qui suscita la rupture après une tension lon­guement réprimée.

Pour la décoration des tombeaux dans les catacombes, le christianisme s'était jusqu'alors contenté d'emprunter les modes de représentation de ses propres symboles, à la tradition figurative classique en général et hellénistique en particulier. Voici que, soudainement, il définit l'une de ses formes d'expres­sion les plus spécifiques, qui se greffe certes encore sur la tradition ancienne, mais se caractérise en même temps par la profonde originalité d'une nouvelle force spirituelle, par une nouvelle iconographie des images et une autre signification architectonique. Dès le début l'architecture offrit les réalisations les plus originales. Dans presque tout le territoire de l'Empire surgirent rapidement très nombreux, et souvent grandioses, les premiers vrais monuments de la chrétienté, synthèse de deux types fondamentaux : celui de la basilique, qui reprenait le schéma des basiliques civiles romaines (tribunaux ou salles de réunions) avec certaines modifications imposées par une liturgie qui déjà prenait la forme d'un rituel définitif, et celui des salles à cour centrale, qui dérivait des mausolées des établissements thermaux païens, et qui étaient maintenant affectés soit aux fonts baptismaux (baptistères), soit aux lieux de vénération des dépouilles des grands martyrs de la religion (martyrium).

Constantin participa en personne à cette ferveur constructive. Dès 312, à peine arrivé à Rome, il accueillit la suggestion du pape Sylvestre d'édifier — en expiation du meurtre de sa seconde femme Faustina — les basiliques du Sauveur (qui prit ensuite le nom de Saint-Jean-de-Latran et devint la cathédrale de Rome) et de Saint-Pierre, sur le lieu même du tombeau de l'apôtre.

Mais dans ce domaine l'activité de l'empereur ne se borna pas là; bien que très occupé par les dures entreprises militaires et politiques en Orient, Constantin mit encore en œuvre, à Rome, la construction d'autres églises monumentales : la basilique primitive de Sainte-Croix-de-Jérusalem destinée à recevoir les reliques de la vraie croix rapportées de la Terre sainte par sainte Hélène, mère de Constantin; celles de Sainte-Agnès, de Saint-Paul et de Saint-Laurent; à Naples, la basilique Sainte- Restitut et en Palestine celles de la Nativité à Bethléem et du Saint-Sépulcre à Jérusalem; à Rome, le mausolée de Sainte-Constance, près de l'église Sainte-Agnès, remonte également à l'époque constantinienne, il est construit en plan circulaire et abrita les dépouilles des filles de l'empereur.

Mais pour la construction de Saint-Pierre il est probable que, vu l'empla­cement du tombeau de l'apôtre à mi-côte sur les pentes de la colline du Vatican, on ait, en premier lieu, pensé uniquement à un meilleur aménagement du monument comprenant le petit édifice déjà mentionné adossé au « mur rouge » qui était encore en partie à découvert, en le recouvrant d'une structure verticale, ainsi que le raconte le « Liber Pontificalis », au moyen de pilastres de porphyre et de six columnas vitineas quas de Graecia perduxit , c'est-à-dire de colonnes torses ornées de sarments de vigne en relief.

Le projet initial subit presque aussitôt une transformation radicale à la faveur précisément de la construction d'une véritable basilique, pour laquelle il s'avéra nécessaire de faire d'énormes travaux pour déblayer la partie de la colline qui était derrière le tombeau de l'apôtre, et pour mettre en place les fondations et aplanir le terrain.

Sur cette vaste plate-forme, qui avait entre autre absorbé une importante partie de l'ancien cimetière, surgit donc à partir de l'an 322, la basilique, sorte d'immense reliquaire renfermant le tombeau de Pierre. Il s'agit alors, d'après les déductions que nous pouvons faire aujourd'hui devant les fondations qui ont subsisté et d'après les anciennes représentations picturales et les témoignages écrits, d'une simple basilique de forme rectangulaire, à cinq nefs divisées par quatre rangs de colonnes qui furent, pour la plupart, reprises aux différents monuments classiques bien que de formes et de dimensions inégales. Les murs de la nef centrale, plus large et sensiblement plus haute que les nefs latérales, s'appuyaient non pas sur des voûtes mais sur un architrave courant sur toute la rangée des colonnes centrales, style de construction qui existe encore à Rome seulement dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure.

La couverture était constituée par un toit en pente dessiné en chevrons. Le sépulcre de saint Pierre et un autel se trouvaient en haut de la nef centrale; derrière se dessinait une abside semi-circulaire au fond de laquelle, exactement dans l'axe de l'autel s'élevait la chaire épiscopale destinée à l'évêque de Rome, qui n'était autre que le pape lui-même. Selon l'opinion de nombreux archéologues, la basilique était sans transept et, devant la façade, s'étendait un atrium ou narthex où l'on accueillait les catéchumènes, néophytes qui n'avaient pas encore reçu le baptême et qui, pour cette raison, n'étaient pas admis à l'intérieur de l'église.

Comme on peut le constater, cette construction était d'une extrême sim­plicité architecturale, imposante et symbolique précisément à cause de son aspect austère, d'une grande qualité fonctionnelle pour la célébration des rites sacrés: le prototype, pourrait-on dire, de tout édifice propre au culte chrétien, 1'église par excellence de par son sens symbolique même, de par le sens qui découlait de la présence du corps de Celui qui fut le premier chef de la communauté chrétienne.

La basilique s'éleva très rapidement. En 337, avant de mourir, Constantin la vit presque terminée, et en tout cas il assista à sa consécration solennelle. Elle devint aussitôt un pôle d'attraction pour tous les fidèles résidant à Rome, ou qui y affluaient en pèlerinage venant de toute la chrétienté pour vénérer la dépouille de Pierre.

 

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